Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/273

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Le soir venu, Cyrus invite les gens des deux pays à dîner avec lui, à titre déjà d’amis. Pendant le repas sous la tente, un des Chaldéens se met à dire que cette alliance comblerait les vœux de la majorité de la nation, mais qu’il y a des Chaldéens, vivant de maraude, qui ne savent et ne peuvent labourer, vu leur habitude de subsister par la guerre. Ils n’ont d’autre occupation "que de piller et de se mettre à la solde, tantôt du roi des Indes, qui est, ajoutent-ils, un homme tout cousu d’or, tantôt d’Astyage. « Eh bien ! dit Cyrus, que ne se mettent-ils à la nôtre ? Je leur donnerai autant et plus qu’aucun autre ne leur a jamais donné. » Tous répondent que c’est au mieux, et prétendent qu’il y aura un grand nombre d’adhérents.

Telles sont les conventions faites. Cyrus, apprenant que les Chaldéens se rendent souvent auprès de l’Indien, et se rappelant qu’il était venu des envoyés de ce roi chez les Mèdes pour examiner ce qui se passait, et que de là ils étaient allés chez les ennemis pour voir aussi ce qui s’y faisait, résolut d’instruire l’Indien de ce que lui-même venait de faire. Il entre donc ainsi en propos. « Arméniens et vous Chaldéens, dites-moi, si je dépêchais aujourd’hui quelqu’un des miens auprès de l’Indien, voudriez-vous lui adjoindre quelques-uns des vôtres, pour lui servir de guides dans la route et agir de concert avec lui, afin d’obtenir pour nous de l’Indien ce que je désire ? Je désirerais avoir plus d’argent pour accorder une bonne paye à ceux qui en ont besoin, ainsi que des honneurs et des présents à ceux de nos compagnons d’armes qui les méritent. C’est pour cela que je veux avoir des ressources abondantes, considérant que j’en ai besoin. Mais il me serait agréable de ménager vos fonds, car je vous regarde comme des amis, tandis que j’en recevrais volontiers de l’Indien, s’il m’en donnait. Le messager, auquel je vous propose d’adjoindre des vôtres pour guides et pour seconds, doit parler ainsi de ma part : « Indien, Cyrus m’envoie vers toi : il dit qu’il a besoin de fonds, et qu’il attend une nouvelle armée venant de Perse (or, je l’attends, en effet) ; si donc tu lui envoies selon ton pouvoir, il dit que, pour peu que la Divinité mène les choses à bonne fin, il se conduira de sorte que tu croiras avoir travaillé pour toi en l’obligeant. » Voilà ce qu’il dira de ma part. Quant à vos gens, chargez-les, de votre côté, de tout ce qui vous paraîtra de votre intérêt. Si nous recevons de lui, nous serons plus au large ; si nous ne recevons pas, nous ne lui saurons pas le moindre gré, et nous pourrons prendre avec lui le parti qui nous paraîtra le plus avantageux