Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’aider les uns les autres ; et non-seulement alors ils ne jalousent point ceux qui ont de belles armes ou qui sont passionnés pour la gloire, mais de telles gens louent et aiment ceux qui leur ressemblent, convaincus que leur concours ne tourne qu’à l’intérêt commun. Cyrus fait donc prendre à ses soldats leurs plus belles et leurs meilleures armes, puis il convoque les myriarques, les chiliarques, les taxiarques et les lochages. Ces officiers, placés hors cadre, n’étaient point compris dans le nombre effectif ; maifs, quand il fallait obéir au stratège ou lui rendre compte, afin que rien ne fût abandonne au désordre, les dodécadarques et les hexadarques avaient soin de tout le demeurant.

Lorsque ceux dont la présence était nécessaire sont réunis, Cyrus les fait passer dans les rangs, leur en montre l’excellente tenue et leur indique où se rencontre la principale force des alliés. Après leur avoir inspiré la volonté d’agir, il leur dit de retourner chacun à son poste, de transmettre respectivement à leurs hommes les instructions qu’il vient de leur donner, d’essayer de faire passer dans l’âme de tous le désir de marcher, afin que tous s’élancent avec courage, et de se trouver le matin aux portés de Cyaxare. Ils s’en vont et font tous comme il l’a dit. Le lendemain, au point du jour, ceux qui sont de service se trouvent aux portes Cyrus entre, aborde Cyaxare et lui parle ainsi :

« Je suis certain, Cyaxare, que ce que je viens te dire tu le penses depuis longtemps comme nous. Seulement, il se peut que tu aies honte de le dire, de peur de paraître las de nous nourrir en nous conseillant de sortir de ce pays. Mais, puisque tu gardes le silence, je vais, moi, parler et pour toi et pour nous. Nous tous, nous sommes d’avis, puisque nous sommes prêts, de ne pas attendre pour combattre l’entrée de l’ennemi sur ton territoire, et de ne pas rester assis en pays ami, mais de marcher au plus tôt en guerre. En restant sur tes terres, nous y causons involontairement du dommage. Mais si nous allons en pays ennemi, nous leur faisons du mal de fort bon cœur. D’ailleurs, en ce moment tu fais de grandes dépenses pour notre nourriture ; une fois en campagne, nous serons nourris à leurs frais. S’il devait y avoir plus de danger pour nous là-bas qu’ici, peut-être faudrait-il choisir le parti le plus sûr. Mais ils seront toujours les mêmes hommes, que nous attendions ici, ou que nous allions à leur rencontre dans leur pays ; et nous, nous serons toujours les mêmes dans le combat, que