Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/293

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queurs, je veux dire du pillage : celui qui pille n’est plus un homme, c’est un skeuophore, et il est permis de le traiter en esclave. Il faut bien comprendre qu’il n’y a rien de plus lucratif que la victoire. Le vainqueur tient en son pouvoir les hommes, les femmes, les richesses, tout le pays : n’ayons d’autre objet que de conserver la victoire : elle vous livre jusqu’au pillard même. Mais, dans la poursuite, n’oubliez pas de revenir à moi quand il fait encore jour ; la nuit venue, nous ne recevrons plus personne. » Cela dit, il envoie chacun à son poste avec ordre, en s’y rendant, de faire les mêmes recommandations chacun à ses décadarques : les décadarques, en effet, placés au premier rang, étaient à portée d’entendre : les décadarques ont à leur tour l’ordre de transmettre les instructions chacun à la décade. Alors les Hyrcaniens se remettent en tête, et Cyrus, occupant le centre avec les Perses, reprend la marche : sur le flanc, comme de juste, il a rangé la cavalerie.

Parmi les ennemis, quand le jour a paru, les uns s’étonnent de ce qu’ils voient, d’autres comprennent ce qui se passe, ceux-ci donnent des nouvelles, ceux-là jettent des cris ; on détache les chevaux, on plie bagage, on jette précipitamment les armes de dessus les bêtes de somme ; on s’arme, on saute sur les chevaux, on les bride, on fait monter les femmes sur les chariots, on prend ce qu’on a de plus précieux, comme pour le sauver, on en surprend qui cherchent à l’enfouir ; la plupart se jettent dans la fuite. On s’imagine aisément qu’ils font tout, excepté de combattre ; ils périssent sans coup férir.

Crésus, roi des Lydiens, en raison de l’été, avait fait partir ses femmes la nuit sur des chariots, afin que leur voyage se fit mieux par la fraîcheur, et lui-même suivait avec ses cavaliers. On dit que le Phrygien, chef de la Phrygie des bords de l’Hellespont, en avait fait autant. Mais lorsqu’ils ont appris des fuyards qui les atteignent ce qui vient de se passer, ils se mettent à fuir à bride abattue. Le roi des Cappadociens et celui des Arabes qui se trouvent tout près, et qui n’ont pas eu le temps d’endosser leurs armes, sont tués par les Hyrcaniens. Mais la plus grande perte est parmi les Assyriens et les Arabes, qui, se trouvant dans leur pays, s’avançaient d’une marche fort lente. Les Mèdes et les Hyrcaniens, usant du droit des vainqueurs, se mettent à leur poursuite. Cyrus ordonne aux cavaliers restés près de lui d’investir le camp ; et tous ceux qu’ils en verraient sortir armés, de les tuer : quant à ceux des ennemis qui n’en sortent pas, quels qu’ils soient, cavaliers,