Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/349

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Cyrus, convaincu qu’il n’entreprend ce voyage que pour lui susciter, s’il le peut, un nouvel adversaire, pousse vigoureusement les préparatifs, au cas où l’on devra combattre. Il complète d’abord la cavalerie perse, soit avec les chevaux des prisonniers, soit avec ceux que lui donnent ses amis : car il recevait volontiers de tous, et ne refusait jamais, quand on lui offrait une belle arme ou un cheval. Il met en état de service des chars tirés de ceux qu’on a pris ou de toute autre voie qu’il peut ; mais il abolit l’usage des chars tels qu’étaient jadis ceux des Troyens, et tels que sont encore ceux des Cyrénéens.

Jusque-là, les peuples de Médie, de Syrie, d’Arabie, et tous ceux de l’Asie, se servaient de chars tels qu’en ont encore les Cyrénéens. Cyrus avait observé que l’élite de l’armée, puisqu’on plaçait sur les chars les meilleurs soldats, ne servait qu’à des escarmouches, et ne contribuait que faiblement au gain de la bataille ; et puis, trois cents chars pour trois cents combattants exigent douze cents chevaux et trois cents conducteurs, choisis parmi ceux qui méritent le plus de confiance, et encore ces trois cents hommes ne causent-ils aucun dommage à l’ennemi. Cyrus abolit donc l’usage de ces chars, et en fait construire d’une forme nouvelle, plus convenable pour la guerre : les roues en sont fortes, pour être moins sujettes à se briser ; l’essieu long, car ce qui a de l’étendue est moins sujet à se renverser ; le siège, d’un bois épais, s’élève en forme de tour, mais ne couvre le conducteur qu’à la hauteur du coude, afin qu’il ait toute facilité de conduire les chevaux ; chaque conducteur, armé de toutes pièces, n’a que les yeux découverts : aux deux bouts de l’essieu sont placées deux faux de fer, larges d’environ deux coudées, et deux autres par dessous, dont la pointe, tournée contre terre, doit percer à travers les bataillons ennemis. Cette nouvelle invention, imaginée par Cyrus, est encore en usage dans les pays soumis au roi de Perse. Il a de plus quantité de chameaux qui lui viennent, les uns de ses amis, les autres de ses captures. Tels sont les préparatifs qu’il organise.

Voulant envoyer quelqu’un en Lydie pour apprendre ce qu’y fait l’Assyrien, il juge propre à cette mission Araspe, à qui a été confiée la garde de la belle prisonnière. Or, voici ce qui était arrivé à Araspe. Pris d’amour peur cette femme, il en était venu au point de lui proposer une intime relation. Elle lavait repoussé et était restée fidèle à son époux absent, qu’elle aimait de toute son âme. Cependant elle n’avait point accusé Araspe auprès de Cyrus, pour ne pas diviser deux amis. Araspe,