Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/352

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de Cyrus, sa réserve, sa sympathie pour elle. Abradatas en l’entendant : « Que puis-je faire, Panthéa, dit-il, pour témoigner à Cyrus ma reconnaissance et la tienne ? — Pas autre chose, dit Panthéa, que d’essayer d’avoir pour lui les sentiments qu’il a pour toi. »

Abradatas va donc visiter Cyrus. Dès qu’il le voit, il lui prend la main et lui dit : « En retour de tout le bien que tu nous as fait, Cyrus, je n’ai rien de mieux à te dire que je me donne à toi pour ami, pour serviteur et pour allié : dans tout ce que je te verrai entreprendre, je m’efforcerai d’y prendre, de mon mieux, la part la plus active. — J’accepte, répond Cyrus. Pour le moment, je te laisse souper avec ta femme ; mais dorénavant il faudra que tu prennes tes repas sous ma tente avec tes amis et les miens. »

Quelque temps après, Abradatas, voyant que Cyrus aimait beaucoup les chars armés de faux, les chevaux bardés et les cavaliers cuirassés, met tout en œuvre pour se faire construire cent chars semblables à ceux de Cyrus, avec l’attelage tiré de sa propre cavalerie, et veut même les conduire en personne, monté sur un char à quatre timons, traîné par huit chevaux. De son côté, Panthéa, de son propre bien, fait faire à son mari une cuirasse, un casque et des brassards d’or, et elle y joint des bandes de cuivre pour couvrir les chevaux du char. Voilà ce que fait Abradatas.

Cyrus, voyant ce char à quatre timons, imagina qu’il serait possible d’en ajuster huit à un seul chariot, auquel seraient attelées huit paires de bœufs, pour traîner certaines machines en forme de tour d’environ dix-huit pieds de hauteur, y compris celle des roues. Ces sortes de tours, placées derrière les rangs, lui paraissaient devoir être d’un grand secours à la phalange, et d’un grand dommage aux rangs ennemis. Il y avait pratiqué des galeries et des créneaux, et dans chaque tour il avait fait monter vingt hommes. Quand tout est prêt, il essaye de les faire aller, et les huit attelages traînent plus aisément une tour avec les hommes qui sont dedans qu’un attelage ordinaire ne traîne un chariot de bagage. La charge ordinaire de ces chariots est, pour un attelage, du poids d’environ vingt-cinq talents[1] ; et les tours de Cyrus, quoique d’un bois aussi épais que celui qu’on emploie pour la construction des théâtres tragiques, quoique garnies de vingt soldats tout en armes, donnaient moins à traî-

  1. Le talent, poids, était de 26 kilogrammes.