Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/362

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ment : « Maintenant, Araspe, continue-t-il, apprends-nous ce qu’il nous importe de savoir ; ne reste pas au-dessous du vrai, n’atténue en rien la situation de l’ennemi : mieux vaut croire leurs forces plus grandes et les trouver moindres, que les croire moindres et les trouver plus grandes. — J’ai tout fait, répond Araspe, pour m’en éclaircir ; car je les aidais moi-même à ranger leurs troupes en bataille. — Tu connais donc, dit Cyrus, non-seulement leur nombre, mais leur ordonnance ? — Par Jupiter, dit Araspe, je sais même comment ils se proposent d’engager le combat. — Eh bien, répond Cyrus, dis-nous d’abord quel est en gros le nombre de leurs troupes. — Elles sont rangées, cavalerie et infanterie, sur trente de hauteur, sauf les Égyptiens, et occupent un terrain d’environ quarante stades : j’ai apporté la plus grande attention à m’assurer de l’étendue qu’elles couvrent. — Et les Égyptiens, dit Cyrus, quelle en est l’ordonnance ? car, tu as dit : sauf les Égyptiens. — Leurs myriarques forment leurs bataillons de dix mille hommes chacun, cent de front sur |cent de hauteur : tel est, disent-ils, l’usage de leur pays. Toutefois Crésus ne le leur a permis qu’avec une grande répugnance, parce qu’il voulait que son armée eût un front beaucoup plus étendu que la tienne. — Pourquoi, dit Cyrus, le désirait-il ? — Sans doute, par Jupiter, pour nous envelopper avec la partie qui dépasserait. — Eh bien, dit Cyrus, qu’ils prennent garde, en voulant envelopper, d’être enveloppés eux-mêmes. Mais nous venons d’entendre de toi ce qu’il nous importe de savoir. Voici maintenant, camarades, ce que vous avez à faire. Quand vous serez sortis d’ici, visitez avec soin les harnais de vos chevaux et vos armes : souvent, pour la moindre chose qui manque à l’homme, le cheval et le char deviennent inutiles. Demain matin, pendant que je sacrifierai, commencez par faire déjeuner vos hommes et vos chevaux, de peur que le moment d’agir ne nous surprenne à jeun. Ensuite, toi, Araspe, tu te placeras à l’aile droite, suivant ton habitude, et vous, myriarques, gardez vos postes accoutumés : ce n’est pas au moment où le combat commence qu’il faut changer l’attelage d’un char. Ordonnes aux taxiarques et aux lochages de se mettre en bataille en divisant chaque loche en deux. » Or, le loche était de vingt-quatre hommes.

En ce moment, un des myriarques lui dit : « Crois-tu, Cyrus, qu’avec si peu de profondeur nous soyons en état de résister à une phalange si profonde ? — Et toi, réplique Cyrus, crois-tu que des phalanges, dont l’épaisseur fait que la plupart des sol-