Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/370

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Après avoir ainsi parlé et donné pour mot de ralliement : Jupiter sauveur et conducteur, Cyrus se met en marche. En passant entre les chars et les thoracophores, tous ceux qu’il aperçoit dans les rangs il leur dit : « Soldats, quel bonheur pour moi de voir votre figure ! » A d’autres : « Songez, soldats, qu’il s’agit aujourd’hui non-seulement d’une victoire, mais des fruits de la victoire précédente et du bonheur de toute la vie ! » A d’autres encore : « Camarades, à dater d’aujourd’hui, nous n’aurons plus à accuser les dieux : ils nous ont donné l’occasion d’acquérir des biens dont le nombre égale la grandeur. Mais nous, soldats, soyons braves ! » Et plus loin : « Soldats, à quel plus bel écot que celui-ci pourrions-nous mutuellement nous inviter ? Il est permis à dos hommes de cœur de se donner réciproquement de grands biens. » Et ailleurs : « Vous le savez, je crois, soldats : le prix de la victoire est aujourd’hui de poursuivre, de frapper, de tuer, de conquérir, de se faire un nom, d’être libre, de commander : pour les lâches, c’est évidemment le contraire. Que celui qui s’aime, combatte donc avec moi. Je ne donnerai l’exemple ni de la lâcheté, ni d’aucune action honteuse. » S’il rencontre quelques-uns des soldats qui ont combattu à la première bataille, il leur dit : « Et vous, amis, que vous dirai-}e ? Vous savez comment les braves passent leur temps un jour de combat, et comment les lâches ! »

Lorsque, en continuant sa route, il est arrivé auprès d’Abradatas, il s’arrête. Abradatas donne les rênes à son écuyer et se rend auprès de Cyrus : les chefs de l’infanterie et les conducteurs de chars qui sont à portée accourent également. Alors Cyrus, les voyant réunis : « Abradatas, lui dit-il, la divinité a voulu ce que tu voulais ; elle t’a jugé digne, toi et les tiens, de marcher au premier rang. Souviens-toi, quand il faudra combattre, que les Perses vous verront, vous suivront et ne souffriront pas que vous vous exposiez seuls au danger. » Abradatas répond : « Autant que j’en puis juger, Cyrus, tout ira bien de ce côté, mais j’ai de l’inquiétude pour nos flancs : je crois que ceux des ennemis, forts en chars et en troupes de toute espèce, s’étendent sans que nous ayons à leur opposer que nos chars. Si mon poste ne m’était pas échu par le sort, j’aurais honte de l’occuper, tant il me semble que j’y suis en lieu sûr. » Cyrus reprend : « Si tout va bien de ton côté, sois tranquille pour les flancs : avec l’aide des dieux, je te les ferai voir dégagés d’ennemis. Seulement n’attaque pas l’ennemi, je t’en conjure, avant que tu aies vu fuir ces mêmes troupes qui te font peur. » Cyrus avait de ces