Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des sacrifices à ceux des dieux que les mages lui désignent : institution qui dure encore aujourd’hui sous le roi régnant. Les autres Perses imitent Cyrus en ce point, avec la pensée de devenir eux-mêmes plus heureux, s’ils rendent hommage aux dieux, à l’exemple du plus heureux des souverains. Ils peuvent, du reste, être agréables à Cyrus en agissant ainsi. Cyrus, de son côté, regarde leur piété comme un bien pour lui, de même que, quand on navigue, on aime mieux se trouver avec des gens de bien qu’avec des impies. Il avait d’ailleurs la conviction que, si tous ceux qui l’approchaient craignaient les dieux, ils auraient bien moins de penchant à des actes impies envers lui, qui se considérait comme le bienfaiteur de ses familiers. En faisant voir qu’il estimait au plus haut degré quiconque ne se montrait injuste ni envers un ami ni envers un allié, et en ayant toujours l’œil fixé sur la justice la plus rigoureuse, il espérait amener les autres à s’abstenir de tout gain illicite, et à ne chercher que des profits légitimes. Il se persuadait qu’il inspirerait mieux la pudeur, s’il les respectait assez tous pour ne jamais rien dire ou rien faire devant eux qui pût les blesser. Il espérait qu’il en serait ainsi, d’après ce fait, que les hommes respectent plus, je ne dis pas leur chef, mais celui même qu’ils ne craignent point, s’il se respecte lui-même, que s’il ne se respecte pas ; de même que, quand on sait qu’une femme se respecte, on est plus disposé à la respecter en la voyant.

Il croyait que le meilleur moyen de maintenir l’obéissance parmi ceux qui l’approchaient, c’était de récompenser plus libéralement ceux qui obéissaient sans réplique, que ceux qui faisaient preuve des vertus les plus grandes et les plus laborieuses. Il ne cessa jamais d’avoir cette conviction et de la mettre en pratique. En donnant l’exemple de la tempérance, il y formait tous les autres. En effet, quand on voit se montrer tempérant celui qui peut le plus impunément s’abandonner à sa fougue, ceux qui sont moins puissants n’oseraient ouvertement se laisser aller à l’insolence. Il mettait cette différence entre la pudeur et la tempérance, que ceux qui ont de la pudeur craignent de faire à découvert une action honteuse, tandis que ceux qui sont tempérants s’en abstiennent même en secret. Il jugeait qu’il donnerait une grande leçon de-modération, en montrant que les plaisirs qui s’offraient sans cesse à lui ne pouvaient le distraire de ses devoirs, et qu’il ne se les permettait que comme délassement d’un travail honnête.

Par cette conduite, il établit à ses portes beaucoup de défé-