Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/447

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des ennemis et du sien ; puis, apprenant le trouble des ennemis qui s’accusent les uns les autres de l’échec, il marche aussitôt sur Sardes. Là, tandis qu’il brûle et ravage les maisons de la ville, il fait annoncer aux habitants que quiconque désire la liberté peut se joindre à lui, et que, s’il en est qui veulent asservir l’Asie, ils viennent en armes se mesurer contre ses libérateurs. Personne n’osant paraître, il se porte librement partout ; voyant les Grecs, qui jusqu’alors avaient été forcés de ramper, honorés par ceux mêmes qui les outrageaient ; réduisant ceux qui exigeaient les honneurs divins à n’oser plus même regarder les Grecs ; protégeant contre la dévastation le territoire de ses alliés, et dévastant celui des ennemis au point d’envoyer en deux ans plus de deux cents talents comme dîme au dieu de Delphes.

Cependant le roi de Perse, regardant Tissapherne comme la cause de ces désordres, envoie Tithraustès lui couper la tête, exécution qui rend les affaires des Barbares encore plus désespérées et celles d’Agésilas plus florissantes[1]. Tous les peuples envoient des députations lui demander son amitié ; plusieurs même passent de son côté, dans l’espoir d’être libres, an sorte qu’Agésilas se trouve chef non-seulement des Grecs, mais d’un grand nombre de Barbares.

Toutefois, ce qui mérite surtout notre admiration, c’est qu’après s’être assuré la possession d’un grand nombre de villes sur le continent, et de plusieurs îles, après que sa ville natale lui eut envoyé une flotte[2], après avoir conquis tant de gloire et de puissance, lorsqu’il pouvait profiter à son gré de ces nombreux et brillants avantages, au moment où il nourrissait le projet et l’espoir de renverser un empire dont les forces furent souvent tournées contre la Grèce, il ne se laissa dominer par aucune de ces considérations. Dès qu’il lui vient des magistrats de son pays l’ordre de venir au secours de la patrie, il obéit avec autant de docilité que s’il se fût trouvé seul contre cinq dans le conseil des éphores ; faisant voir par là que toute la terre n’était rien à ses yeux en comparaison de la patrie, qu’il ne préférait pas de nouveaux amis aux anciens, ni des profits sans gloire et sans dangers à des périls où l’appelaient l’honneur et la justice.

Tout le temps, du reste, qu’il garda le commandement, il

  1. Tithraustès conclut avec Agésilas une trêve de six mois.
  2. Agésilas mit à la tête de cette flotte Pisandre, son beau-frère.