Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/460

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qu’il le disait hautement, le moyen que sa patrie fût toujours heureuse et qu’elle devînt puissante, quand les Grecs seraient sages.

S’il est beau pour un Grec d’aimer son pays, vit-on jamais un autre général ou refuser de prendre une ville, dans la crainte qu’elle ne fût saccagée, ou regarder comme un malheur une victoire gagnée dans une guerre contre les Grecs ? Quand on lui apporta la nouvelle que, dans un combat près de Corinthe, il était mort huit Lacédémoniens et près de dix mille ennemis, on ne le vit pas se réjouir, mais il s’écria : « Malheureuse Grèce, qui viens de perdre des hommes dont la vie nous eût assuré la victoire dans nos combats contre les Barbares ! » Les exilés de Corinthe lui disant que la ville allait se rendre, et lui montrant les machines à l’aide desquelles ils espéraient renverser les murs, il ne voulut point attaquer, disant qu’il ne fallait pas asservir les villes grecques, mais les rendre sages. « Si nous exterminions, ajouta-t-il, tous ceux de nous qui sont en faute, dites-moi où nous trouverions des hommes pour vaincre les Barbares. »

S’il est beau de haïr les Perses, puisque jadis l’un d’eux[1] a marché contre la Grèce pour la rendre esclave, et que leur roi actuel[2] fait alliance avec ceux qu’il croit le plus en état de nous nuire, ou paye ceux qu’il sait capables de faire le plus de mal aux Grecs, ou ne nous propose la paix que comme un moyen sûr d’allumer entre nous la guerre, conduite qui n’échappe aux regards de personne, qui donc fit jamais plus qu’Agésilas, pour soulever quelques provinces des Perses, les appuyer dans leur révolte, en un mot, pour nuire au roi de manière à ce qu’il ne pût inquiéter les Grecs ? Quoique sa patrie fût en guerre avec les Grecs, cependant il ne négligea pas le bien commun de la Grèce, mais il s’embarqua pour faire le plus de mal possible au barbare.



CHAPITRE VIII.


Bonté d’Agésilas, son âme vraiment royale, sa modération.


Toutefois l’aménité de son caractère ne doit pas être passée sous silence : comblé d’honneurs, maître du pouvoir, d’une au-

  1. Xercès.
  2. Artaxercès.