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voir l’ameublement ; qu’on songe à ses repas dans les sacrifices, qu’on se rappelle comment sa fille se rendait d’Amyclées dans un chariot public[1]. En subordonnant ainsi sa dépense à son revenu, il n’était pas contraint de se faire de l’argent par des injustices. On croit beau d’avoir des murailles imprenables aux ennemis ; moi, j’estime bien plus beau de rendre son âme imprenable à la richesse, au plaisir et à la crainte.



CHAPITRE IX.


Parallèle entre Agésilas et le roi de Perse.


Maintenant je vais dire comment sa manière de vivre était l’opposé du faste du roi de Perse. Et d’abord, celui-ci affectait de se montrer rarement ; Agésilas aimait à se produire sans cesse, persuadé que, s’il convient à l’infamie de se cacher, le grand jour prête un nouveau lustre à une belle vie. L’un se faisait une gloire d’être inaccessible ; l’autre, une joie d’être accessible à tous. L’un se targuait de sa lenteur en affaires, l’autre était heureux de satisfaire vite ceux qui avaient besoin de lui. Pour leurs plaisirs, combien Agésilas, si l’on veut y songer, excellait à se les donner plus faciles et plus parfaits ! On court toute la terre, pour procurer au roi de Perse des breuvages agréables ; des millions d’hommes s’ingénient à lui préparer des mets exquis ; et pour qu’il repose, que de soins indicibles ! Agésilas, grâce à son amour du travail, buvait avec plaisir ce qui lui tombait sous la main, mangeait avec plaisir la première chose venue ; et, pour dormir commodément, toute place lui était bonne. Et non-seulement il trouvait là son bonheur, mais encore il était transporté de joie, en pensant qu’il avait toutes ces jouissances à sa portée, tandis qu’il voyait le barbare vivre tristement, si des extrémités de la terre on ne lui rassemblait des plaisirs. Une chose qui le charmait encore, c’était de pouvoir s’accommoder sans peine aux saisons réglées par les dieux, tandis qu’il voyait le Perse évitant le chaud, évitant le froid, par faiblesse d’âme, et menant la vie non des hommes de cœur, mais des animaux craintifs.

  1. Pour la célébration des Hyacinthies. Cf. Plutarque, Agésil, III — Agésilas avait deux filles, Eupolia et Prolyta, de sa femme Cléora.