Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/507

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des ouvriers. Et maintenant encore, pas un des propriétaires des mines ne diminue le nombre des esclaves qu’il y occupe, mais chacun en acquiert continuellement le plus possible. En effet, moins on a de mineurs et de chercheurs, moins aussi, selon moi, on trouve de richesses, tandis qu’avec plus de bras, on extrait beaucoup plus de minerai. Aussi est-ce la seule entreprise où l’on ne craint pas de prodiguer le nombre des travailleurs. Tous les cultivateurs vous diront au juste combien il leur faut de paires de bœufs, combien de journaliers pour leur terrain ; et, si l’un d’eux a plus que le nombre suffisant, ils calculent qu’ils sont en perte : mais dans les travaux de métallurgie, tout le monde dit qu’il a besoin d’ouvriers.

En effet, il n’en est pas ici comme des ouvriers en cuivre : quand les ouvrages en cuivre se vendent à vil prix, les ouvriers en cuivre sont ruinés ; j’en dirai autant des ouvriers en fer. Et de même, quand il y a beaucoup de blé et de vin, ces denrées se vendant à vil prix, la culture ne rapporte rien, de telle sorte que nombre de gens laissent là la terre pour se faire trafiquants, brocanteurs, usuriers. Mais plus le minerai produit et plus l’argent donne, plus on voit de gens se porter vers ce métier. Et en effet, quand on a fait l’acquisition du matériel nécessaire à un ménage, on n’achète rien en plus ; mais l’argent, jamais personne n’en possède assez pour n’en vouloir pas davantage : à ce point que ceux qui en ont beaucoup, trouvent autant de plaisir à enfouir leur superflu qu’à en user. Il y a plus : quand les villes fleurissent, c’est alors que l’on a le plus besoin d’argent : les hommes veulent se mettre en dépense pour avoir de belles armes, de bons chevaux, des maisons, un mobilier splendide ; les femmes ont l’esprit tourné vers les riches étoffes, les parures d’or. Une ville, au contraire, est-elle atteinte par la famine ou par la guerre, comme la terre alors est beaucoup moins cultivée, il faut du numéraire pour les vivres et pour les alliés.

Mais, dira-t-on, l’or n’est pas moins utile que l’argent : je n’en disconviens pas ; je sais toutefois que l’or, devenant commun, perd de sa valeur et fait hausser le prix de l’argent.

Toutes ces explications reviennent à dire que nous devons envoyer résolument aux mines une grande quantité d’ouvriers, que nous devons résolument y fouiller, certains que le minerai ne nous manquera pas, et que jamais l’argent ne perdra de son prix[1]. L’État, du reste, si je ne m’abuse, en a ainsi jugé long-

  1. Voici une observation importante sur la nature du minerai exploité par les Athéniens. « On a reconnu, par l’examen des scories répandues en une quantité étonnante au pied du mont Laurium, dans le sud de l’Attique, que le minerai d’argent, que les Athéniens nommaient argyritis, contenait beaucoup de cuivre. » DE PAUW, t. I, p. 369.