Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/514

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prépondérance, se figurent que la guerre conduirait à ce but plus sûrement que la paix. Qu’ils commencent donc par réfléchir si, lors de la guerre médique, c’est la violence ou la douceur qui nous fit décerner la suprématie maritime et l’intendance financière de toute la Grèce. Plus tard, lorsque la dureté de notre gestion eut privé notre ville de sa souveraineté, la fin de nos injustices n’engagea-t-elle pas les insulaires à nous remettre d’eux-mêmes l’empire maritime ? N’est-ce pas par reconnaissance que les Thébains placèrent les Athéniens à leur tête ? Et les Lacédémoniens, est-ce de force ou par gratitude qu’ils ont laissé les Athéniens libres de disposer du pouvoir comme ils l’entendraient ? Maintenant que la Grèce est de nouveau troublée, je vois là une occasion pour notre cité de regagner l’affection des Grecs sans peine, sans dangers, sans dépenses. Il faut essayer de réconcilier les villes en guerre les unes avec les autres, de réconcilier les citoyens de ces villes qui sont divisés en factions. D’un autre côté, si, aux yeux de tous, vous essayiez de rendre au temple de Delphes son ancienne indépendance, non pas à main armée, mais par voie de négociations entretenues par toute la Grèce, je ne serais pas surpris de voir tous les Grecs partager vos sentiments, se liguer et s’armer avec vous contre ceux qui se sont efforcés de s’emparer du temple abandonné par les Phocéens. Si l’on vous voit vous efforcer également d’assurer la paix partout, sur terre et sur mer, je crois que tout le monde, après avoir fait des vœux pour le bonheur de sa patrie, en fera particulièrement pour celui d’Athènes.

Mais, pensera-t-on peut-être encore, la guerre n’est-elle pas plus favorable que la paix aux finances de l’État ? Je ne vois pas, pour trancher cette question, de meilleur guide que l’histoire du passé, que l’examen de ce qui est arrivé à notre république. Or, on trouvera que le trésor, jadis prodigieusement grossi pendant la paix, s’est entièrement épuisé pendant la guerre ; et l’on comprendra, par un coup d’œil jeté sur le présent, que la guerre a coupé plusieurs branches de revenus, qu’elle a absorbé en pure perte celles qui subsistaient encore, tandis que, depuis le rétablissement de la paix sur mer, ces mêmes revenus se sont accrus et que nos concitoyens en jouissent en pleine liberté. Mais enfin, me demandera-t-on, dans le cas où l’on offenserait notre cité, prétendez-vous donc que nous soyons tenus au maintien de la paix ? Je n’ai garde de le dire, mais je soutiens que nous punirions plus promptement nos