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LIVRE III.


CHAPITRE PREMIER.


Découragement des Grecs. — Songe de Xénophon. — Son discours aux Grecs.


Tout ce que les Grecs ont fait dans leur marche dans les hauts pays avec Cyrus jusqu’à la bataille, puis ce qui s’est passé au moment de la retraite des Grecs, depuis la mort de Cyrus et la trêve avec Tissapherne, a été raconté dans les livres précédents.

Quand on eut arrêté les stratéges et mis à mort ceux des lochages et des soldats qui les avaient suivis, les Grecs se trouvèrent dans un grand embarras, en songeant qu’ils étaient aux portes du roi, entourés de tous côtés d’un grand nombre de nations et de villes ennemies, sans personne qui leur fournît un marché de vivres ; à une distance de la Grèce de plus de dix mille stades ; sans guide qui leur indiquât la route ; arrêtés au milieu du chemin qui les menait à leur patrie par des fleuves infranchissables, trahis par les Barbares même qui avaient accompagné Cyrus dans son expédition ; abandonnés seuls et sans cavaliers qui couvrissent leur retraite. Il était donc certain que, vainqueurs, ils ne tueraient pas un fuyard ; vaincus, pas un d’eux n’échapperait.

Au milieu de ces pensées décourageantes, peu d’entre eux, ce soir-là, prirent de la nourriture, peu allumèrent du feu, et il n’y en eut pas beaucoup qui, dans la nuit, vinssent auprès des armes. Chacun reposa où il se trouvait ; aucun ne pouvait dormir du chagrin et des regrets de leur patrie, de leurs parents, de leurs femmes, de leurs enfants, qu’ils n’espéraient plus revoir. C’est dans cette situation d’esprit qu’on se livra au repos.