Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/70

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faire du mal, à nous les amis de Cyrus ! Ah ! que les dieux les punissent ! Pour nous, témoins de cette conduite, il ne faut plus nous laisser tromper par de telles gens : combattons donc avec le plus de cœur possible, prêts à subir d’ailleurs ce qu’il plaira aux dieux ! »

Alors Xénophon se lève, revêtu de la plus belle armure guerrière qu’il eût pu se procurer, convaincu que, si les dieux lui donnaient la victoire, la plus belle parure convenait au vainqueur, et que, s’il fallait mourir, il convenait encore, après s’être jugé digne de porter les plus belles armes, d’en mourir revêtu, puis il commence ainsi : « Le parjure des barbares, leur perfidie dont vous parle Cléanor, vous les connaissez aussi, je le crois. Si donc vous délibériez sur un nouvel accord d’amitié avec eux, nous serions nécessairement en proie au découragement, en considérant ce qu’ont souffert nos stratéges qui, sur la foi des traités, se sont remis en leurs mains. Mais si nous avons l’intention de punir avec nos armes les maux qu’on nous a faits, et de leur faire la guerre par tous les moyens en notre pouvoir, nous avons, avec l’aide des dieux, de nombreuses et belles espérances de salut, » Au moment où Xénophon prononçait ces paroles, un Grec éternue. Aussitôt les soldats, d’un seul mouvement, s’inclinent tous devant le dieu. Alors Xénophon reprenant : « Il me semble, soldats, dit-il, que comme, au moment où nous délibérons sur notre salut, Jupiter sauveur nous envoie ce présage, il faut vouer à ce dieu un sacrifice d’actions de grâces, dès que nous serons arrivés en pays ami, et un second sacrifice aux autres dieux, suivant nos facultés. Que ceux qui sont de cet avis lèvent la main. » Tous la lèvent : on prononce ensuite le vœu, on chante un péan ; puis, ces hommages légitimes rendus aux dieux, Xénophon reprend en ces mots : « Je disais donc que nous avons de nombreuses et belles espérances de salut. D’abord nous observons les serments faits devant les dieux, tandis que les ennemis se sont parjurés et ont violé serments et trêves. Cela étant, il est probable que les dieux combattront avec nous contre nos ennemis, eux qui, aussitôt qu’ils le veulent, peuvent soudain humilier les grands et sauver aisément les faibles même au milieu des dangers. En second lieu, je vais vous rappeler les dangers qu’ont courus nos ancêtres, afin que vous sentiez qu’il faut vous montrer braves, parce que les braves sont tirés par les dieux des plus grands périls. Quand les Perses et ceux qui les suivaient vinrent, avec une armée formidable, pour anéantir Athènes, les Athéniens osèrent leur