Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résister et les vainquirent. Ils avaient fait vœu d’immoler à Diane autant de chèvres qu’ils tueraient d’ennemis ; et, n’en trouvant pas assez, ils décidèrent d’en sacrifier cinq cents tous les ans. Ce sacrifice se fait encore aujourd’hui. « Plus tard, lorsque Xerxès, suivi de troupes innombrables, marcha contre la Grèce, nos ancêtres battirent sur terre et sur mer les aïeux de vos ennemis. Vous en voyez des preuves dans les trophées ; mais le plus grand témoignage est la liberté des villes où vous êtes nés et où vous avez été élevés : vous ne vous y inclinez devant aucun maître, mais seulement devant les dieux. Voilà les ancêtres dont vous êtes sortis. Je ne dirai pas qu’ils aient à rougir de vous, puisque, il y a peu de jours, placés en face des descendants de ces mêmes hommes, vous avez, avec l’aide des dieux, vaincu des troupes bien plus nombreuses que les vôtres. Et alors c’est pour la royauté de Cyrus que vous avez montré du cœur ; mais aujourd’hui qu’il s’agit de votre salut, il faut montrer encore plus d’ardeur et de courage : il est d’ailleurs tout naturel que vous ayez plus d’assurance en face des ennemis. Jadis vous ne les aviez point pratiqués ; et, tout en voyant leur foule innombrable, vous avez osé, avec ce courage qui vous est héréditaire, vous élancer sur eux. Maintenant que vous savez par expérience que, si nombreux qu’ils soient, ils n’ont pas le cœur de vous attendre, vous conviendrait-il de les craindre ?

« Ne regardez pas non plus comme un désavantage, si les troupes de Cyrus, jadis rangées à vos côtés, vous font défaut aujourd’hui. Elles sont encore plus lâches que celles que nous avons battues : c’est pour rejoindre celles-ci qu’elles nous ont abandonnés. Ne vaut-il pas mieux alors voir dans l’armée ennemie que dans la nôtre des gens prêts à donner le signal de la fuite ? Si quelqu’un de vous se décourage de ce que nous n’avons pas de cavalerie, tandis que les ennemis en ont une nombreuse, songez que dix mille cavaliers ne sont que dix mille hommes. Personne, dans une bataille, n’a jamais péri d’une morsure ni d’un coup de pied de cheval : ce sont les hommes qui font la chance des batailles. Ainsi, nous avons une assiette beaucoup plus sûre que celle des cavaliers. Suspendus sur leurs chevaux, ils ont peur non-seulement de nous, mais de tomber ; tandis que nous, solidement fixés à la terre, nous frappons plus fortement ceux qui nous approchent, nous atteignons mieux le point où nous visons. Les cavaliers n’ont sur flous qu’un avantage, c’est de fuir avec plus de sûreté que nous.