Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/79

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gea cette ville, et il ne put la prendre ni par le blocus ni par force ; mais Jupiter frappa de terreur les habitants, et la ville fut prise.

On fait ensuite quatre parasanges en une étape. Durant la marche, Tissapherne parait suivi de sa cavalerie, des troupes d’Orontas, qui avait épousé la fille du roi, des Barbares qui étaient montés avec Cyrus dans les hauts pays, de l’armée que le frère du roi avait amenée au secours de ce prince, et, en outre, de tous les renforts que le roi avait accordés à Tissapherne. Tout cela faisait une force imposante. Quand il fut près, il en range une partie contre l’arrière-garde des Grecs, et une autre sur leurs flancs, mais il n’ose pas charger ni courir le risque d’un combat : il se contente d’une attaque d’archers et de frondeurs. Alors les frondeurs rhodiens, disséminés dans les rangs, lancent leurs pierres, et les archers armés à la Scythe leurs flèches ; pas un ne manque son homme ; ils l’eussent voulu, qu’ils ne le pouvaient pas. Aussi Tissapherne se retire promptement hors de la portée du trait et fait replier les autres divisions. Le reste du jour, les Grecs s’avancent, et les Perses suivent ; mais les Barbares ne peuvent plus faire de mal dans ce genre d’escarmouche, les frondes des Rhodiens portant plus loin que celles des Perses, et même que celles de la plupart des archers. Les arcs des Perses étaient grands, de sorte que toutes les flèches qu’on ramassait étaient fort utiles aux Crétois, qui continuèrent à se servir des traits des ennemis et s’exercèrent à les lancer verticalement à une longue portée. On trouva dans les villages beaucoup de cordes et de plomb qui servirent pour les frondes.

Ce même jour, les Grecs se cantonnent dans les villages qu’ils rencontrent, et les Barbares se retirent, mécontents de leur dernière escarmouche. Les Grecs séjournent le lendemain et font des provisions : il y avait en effet une grande quantité de blé dans les villages. Le jour suivant, ils traversent la plaine, et Tissapherne les suit en escarmouchant. Les Grecs reconnaissent alors qu’un bataillon carré est un mauvais ordre de marche quand on a l’ennemi sur les talons ; car il est de toute nécessité que, quand les ailes se rapprochent, soit dans un chemin, soit dans des gorges de montagnes, soit au passage, d’un pont, les hoplites se resserrent, marchent avec peine, s’écrasent, se mêlent, et il est difficile de tirer un bon parti d’hommes qui sont mal rangés. Lorsque les ailes reprennent leurs distances, il arrive nécessairement que les hoplites, qui étaient resserrés,