Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/82

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il ne parut aucun ennemi ; mais, le quatrième jour, les Barbares s’étant, dès la nuit, mis en marche, occupèrent une hauteur par laquelle les Grecs devaient passer : c’était la crête d’une montagne, qui dominait l’unique chemin par où l’on descendît à la plaine.

Chirisophe, voyant cette hauteur garnie d’ennemis qui l’avaient prévenu, envoie chercher Xénophon à l’arrière-garde et lui fait dire d’amener avec lui les peltastes et de les placer au front. Xénophon ne conduit point les peltastes ; il venait d’apercevoir Tissapherne qui paraissait avec toute son armée ; mais se portant au galop vers Chirisophe : « Pourquoi me fais-tu appeler ? dit-il.— Tu peux le voir, répond celui-ci ; l’ennemi s’est emparé avant nous du mamelon qui commande la descente, et il n’y a moyen de passer qu’en taillant ces gens-là en pièces. Mais pourquoi n’amènes-tu pas les peltastes ? » Alors Xénophon : « C’est que je n’ai pas jugé convenable de découvrir l’arrière-garde en présence des ennemis ; cependant il faut aviser d’urgence à débusquer ces hommes du mamelon. »

Xénophon voit alors, au sommet de la montagne qui domine son armée, un chemin qui conduit à la hauteur où sont postés les ennemis : « L’essentiel, Chirisophe, dit-il, c’est de nous emparer au plus vite de cette hauteur ; si nous la prenons, ils ne pourront pas se maintenir au-dessus de notre chemin. Si tu le veux, reste ici avec l’armée ; moi, je me porte en avant ; ou bien, si tu le préfères, marche à la montagne, et moi je resterai ici. — Je te donne le choix, dit Chirisophe ; agis à ton gré. » Xénophon répond qu’étant le plus jeune, il préfère marcher. En même temps, il le prie de lui donner quelques hommes du front, parce qu’il serait trop long d’en faire venir de la queue. Chirisophe lui donne des peltastes du front et les remplace par des troupes du centre du bataillon : il le fait suivre, en outre, de trois cents hommes d’élite qui l’accompagnaient lui-même au front de bataille.

Le détachement s’avance aussi vite que possible. Les ennemis postés sur la hauteur ne l’ont pas plutôt vu se diriger vers le sommet, qu’ils s’élancent en toute hâte pour les en repousser. Alors il s’élève un grand cri de l’armée grecque, qui exhorte les siens, et un grand cri des gens de Tissapherne, qui exhortent les leurs. Xénophon, galopant sur le flanc de sa troupe, l’anime de la voix : « Soldats, dit-il, songez que vous vous battez pour revoir la Grèce, vos enfants, vos femmes ; encore quelques instants de peine, et nous faisons le reste du chemin sans combat. »