Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/54

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plaisirs, comme de faux amis dont la tendresse s'est changée en haine, se révoltent contre nous; et déchirant le sein qu'ils ont caressé, ils empoisonnent la paix de nos jours. Ne te livre donc point aux excès de la joie. En la modérant, tu la goûteras mieux. Les transports trop vifs étouffent le bonheur dans nos mains, et une jouissance trop exaltée nous laisse plus malheureux que nous ne l'étions par la privation même. Lorenzo, crains ce que les hommes appellent bonheur.

Le mien est mort avec toi, mon cher Philandre. Ton dernier soupir a rompu le charme : la terre désenchantée a perdu son éclat. Où sont ces fantômes brillans, cette riche parure dont l'embellissait ta présence ? Je ne vois plus qu'un désert sombre et nu, une terre dépouillée, inondée de pleurs, où je suis laissé, dans ma vieillesse, abandonné comme un être de rebut. Le grand enchanteur est mort! et ce pays d'illusion s'est effacé. Quel changement subit! Que l'univers me paraît différent de ce qu'il était hier! Cher Philandre! tu n'es donc plus qu'une cendre inutile et vaine, jetée et perdue dans la nuit du tombeau! tu touchais à l'objet de tes plus chères espérances. Qu'il