Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/55

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t'avait coûté de travaux et d'efforts! Quelle noble ardeur t'enflammait pour la vertu! Comme ta jeunesse marchait à grands pas vers elle! Mais tandis que ta gloire éblouit nos yeux, la mort perfide, cachée dans ton sein et riant de tes projets, travaillait dans l'ombre et minait sourdement ta vie.

La prévoyance de l'homme ne peut jamais passer la conjecture. C'est l'événement qui la nomme sagesse ou folie. Souvent l'idée la plus riante finit par devenir une pensée douloureuse. Que notre vue est faible et bornée! elle ne peut porter au-delà du moment présent. L'instant qui suit est derrière un nuage épais. Nous voulons le pénétrer, mais en vain. Le temps ne nous est distribué que par parcelles : chaque moment jure au destin de garder sur notre sort un profond silence, jusqu'à ce qu'il vienne se mêler au cours de notre vie. Et tandis que l'avenir se tait sur notre destinée, chaque moment qui passe peut commencer l'éternité.
Par les lois de la nature, tout ce que nous pouvons jamais être, nous pouvons le devenir à l'heure même. Aucune de nos heures n'a de prérogatives sur les autres. Quelle présomption plus téméraire peut donc s'élever dans le cœur