Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/109

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premiers en dignité, à l’égard du mal qu’ils font, sont les ours. Il y en a de deux espèces : carnivores et frugivores ; les dégâts de ces derniers surpassent ceux de leurs plus terribles frères. Ils viennent la nuit ravager les grains, surtout le sarrasin et le maïs, et sont d’un goût si délicat dans le choix des épis, qu’ils renversent et gâtent infiniment plus qu’ils ne mangent. Les carnivores attaquent le gros bétail aussi bien que les moutons ; on ne peut laisser les troupeaux la nuit au pâturage. Quand ils sortent, c’est sous la garde d’un berger armé d’un fusil et accompagné de chiens grands et forts ; le soir, tout le long de l’année, on les ramène aux étables. Quelquefois des bœufs s’égarent et courent risque d’être dévorés. Les ours les attaquent en leur sautant sur le dos, ils les forcent à baisser la tête, puis les déchirent avec leurs ongles dans une étreinte effroyable. On fait, chaque année, des battues, plusieurs paroisses associant leurs efforts. Une ligne de chasseurs resserre peu à peu le bois où se trouve l’ours. Les ours sont gras en hiver, une bonne pièce vaut alors trois louis. Jamais ils n’attaquent les loups, mais plusieurs loups poussés par la faim attaqueront un ours et le dévoreront. On ne voit ici les loups qu’en hiver. En été ils se retirent dans les endroits des Pyrénées les plus déserts, les plus éloignés des habitations ; c’est la terreur des troupeaux de moutons, comme par tout le reste de la France.

Dans le premier projet de notre tour aux Pyrénées, se trouvait une excursion en Espagne. Notre hôte de Luchon avait déjà auparavant procuré des mulets et des guides à des personnes se rendant à Saragosse et à Barcelone pour affaires. Sur notre demande, il écrivit à Vielle, première ville espagnole au delà des montagnes, qu’on envoyât trois mules et un guide parlant français.