Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai visité hier la Maison-Carrée, je l’ai revue ce matin et deux fois dans la journée : c’est, sans comparaison, l’édifice le plus léger, le plus élégant, le plus charmant que j’aie jamais vu. Quoiqu’il n’ait aucune masse qui surprenne, ni aucune magnificence extraordinaire qui éblouisse, le regard ne peut s’en détacher. Il y a dans les proportions une harmonie magique qui charme les yeux. Aucun détail ne ressort par une beauté particulière, c’est un tout parfait de grâce et de symétrie Quelle infatuation des architectes modernes, de dédaigner la pure et élégante simplicité pour élever ces chefs-d’œuvre d’extravagance et de lourdeur si communs en France ! Le Temple de Diane, comme on l’appelle, les bains dernièrement restaurés et la promenade, forment les parties d’un même tableau qui orne magnifiquement la cité. Par malheur pour moi, on avait retiré l’eau des bains et des canaux pour les nettoyer. Les pavés (mosaïques) romains sont fort beaux et très bien conservés.

L’hôtel du Louvre, excellente maison, vaste et commode, où j’étais descendu à Nîmes, ressemblait, depuis le matin jusqu’à la nuit, autant à une foire que le champ de Beaucaire lui-même.

Je dînais et soupais à table d’hôte ; le bon marché de ces tables convient à mes finances et l’on peut y étudier les habitudes du pays ; nous étions de vingt à quarante à chaque repas, compagnie mêlée de Français, d’Italiens, d’Espagnols et d’Allemands, avec un Grec et un Arménien. On me dit qu’il y avait à peine une nation d’Europe ou d’Asie qui n’ait pas son représentant à cette grande foire, principalement pour le commerce des soies gréges, dont il se fait des affaires de millions en quatre jours ; on y trouve également tous les autres produits du monde.