Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/141

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cents maisons. J’ai vu les plans, et si on les exécute, ce sera le plus beau développement qu’ait reçu aucune ville en Europe. La peur que le roi ne revienne sur son marché a fait suspendre ce grand travail.

Le théâtre, bâti il y a environ dix ou douze ans, est de beaucoup le plus magnifique de France. Je n’ai rien vu qui en approche. Cet édifice est isolé et couvre un espace de trois cent six pieds sur cent soixante-cinq ; un portique de douze colonnes corinthiennes occupe la façade principale tout entière. De ce portique on se rend, par un superbe vestibule, non seulement aux différentes parties du théâtre, mais encore à une salle de concert ovale, fort élégante, et à des salons de promenade et de rafraîchissement. Le théâtre lui-même est de grande dimension et forme un segment d’ellipse. La troupe pour la comédie, la tragédie, l’opéra, le ballet, l’orchestre, etc., donne une idée de la richesse et du luxe de cette ville. On m’a assuré qu’il a été payé de 30 à 50 louis par soirée à une actrice favorite de Paris. Larrive, le premier tragédien de la capitale, est maintenant ici à raison de 500 livres (21 l. st 12 sch. 6 p.) par soirée, plus deux bénéfices. Dauberval, le danseur, et sa femme (mademoiselle Théodore, de Londres) sont engagés comme maître de ballet et première danseuse, aux appointements de 28,000 livres (1,225 l. st.) ; on joue tous les jours, sans excepter le dimanche, comme partout en France. La vie des négociants ici est très somptueuse. Leurs maisons d’habitation et leurs magasins sont sur un grand pied. Grands dîners, souvent servis en vaisselle plate ; le pis est un gros jeu, et la chronique scandaleuse parle de commerçants comme entretenant ces dames du chant et de la danse, à un taux fort dangereux pour leur crédit. Ce théâtre, qui fait tant d’honneur au goût de