Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/144

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on l’afferme 18,000 l. par an (787 l. st.). La Garonne offre un beau coup d’œil, elle est deux fois aussi large que la Tamise à Londres ; le nombre de grands vaisseaux qui y sont ancrés en fait, je suppose, le plus riche tableau maritime dont la France puisse se vanter. Nous gagnons la Dordogne, fort belle rivière encore, quoique très inférieure à la Garonne ; nous la passons sur un bac affermé 6.000 liv. Gagné Cavignac. — 20 milles.

Le 29. — Barbezieux, au milieu d’une belle campagne variée d’aspect et boisée ; le marquisat, ainsi que le château, appartient au duc de Larochefoucauld, que nous y avons rencontré ; il le tient du fameux Louvois, le ministre de Louis XIV. Dans les trente-sept milles compris entre la Garonne, la Dordogne et la Charente, par conséquent ait milieu des marchés les plus importants de la France, il est incroyable que l’on rencontre autant de terres incultes ; c’est ce qui m’a frappé le plus dans cette excursion. Beaucoup de ces terrains appartenaient au prince de Soubise, qui n’en voulait rien céder. Il en est de même chaque fois que vous tombez sur un grand seigneur ; eût-il des millions de revenus, vous êtes sûr de trouver sa propriété déserte. Celles du prince et celles du duc de Bouillon sont des plus grandes de France, et tous les signes que j’ai aperçus de leur grandeur sont des bruyères, des landes, des déserts, des fougeraies. Visitez leur résidence où qu’elle soit, et vous les verrez probablement au milieu des forêts très peuplées de cerfs, de sangliers et de loups. Ah ! si pour un jour j’étais le législateur de la France, comme je ferais sauter les grands seigneurs[1] ! Soupé avec le duc ; l’assemblée

  1. Je puis assurer le lecteur que tels étaient alors mes sentiments.