Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/151

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Le 10. — Le comte étant remis, grâce à la nature ou au docteur tourangeau, nous nous mettons en route. On chemine jusqu’à Chanteloup, sur une digue qui défend des inondations un espace considérable. Ce pays offre moins d’intérêt que je ne m’y serais attendu sur les rives d’un grand fleuve. Visité Chanteloup, la retraite de feu le duc de Choiseul. Elle est située sur une élévation, à quelque distance de la Loire, qui en hiver ou après de grandes crues peut orner le paysage, mais que l’on voit à peine maintenant. Le rez-de-chaussée de la façade se compose de sept pièces : la salle à manger d’environ 30 pieds sur 20, et le salon de 30 sur 33 ; la bibliothèque, de 72 sur 20 ; elle vient d’être ornée par le possesseur actuel, le duc de Penthièvre, de très belles tapisseries des Gobelins. Dans le parc, sur une colline dominant un vaste horizon, le duc a fait bâtir une pagode de 120 pieds de haut en mémoire des personnes qui l’ont visité dans son exil. Leurs noms sont gravés sur des tablettes de marbre fixées au mur de la première pièce. Le nombre et le rang de ces personnes font honneur au duc et à elles-mêmes. L’idée était heureuse. La forêt qui s’étend à nos pieds est très grande, elle passe pour avoir onze lieues de large ; des avenues la sillonnent menant à la pagode. Du vivant du duc, ces clairières présentaient l’animation dévastatrice d’une grande chasse entretenue si libéralement, qu’elle a ruiné le propriétaire et fait passer le domaine dans les dernières, mains auxquelles je voudrais le voir : celles d’un prince du sang. Les seigneurs ont une malheureuse préférence à s’entourer de forêts, de sangliers et de chasseurs, au lieu de fermes propres et bien cultivées, de chaumières avenantes et de gais paysans. Par cette manière de signaler sa magnificence, on garderait moins de forêts,