Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/163

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depuis longtemps combinée et tramée de manière à défier toutes chances mauvaises, si le comte de Vergennes n’eût compromis cette affaire, à force de manœuvres pour se rendre nécessaire au cabinet de Versailles. Ceci s’accorde avec les idées de quelques Hollandais, hommes de sens, à qui j’en avais parlé.

Pendant mon séjour à Liancourt, mon ami Lazowski m’accompagna dans une petite excursion de deux jours à Ermenonville, chez M. le marquis de Girardon (Girardin). Nous passâmes par Chantilly et Morefountain (Mortfontaine), maison de campagne de M. de Mortfontaine, prévôt des marchands de Paris. On m’avait dit qu’elle était arrangée à l’anglaise. Il y a deux parties bien distinctes : l’une est un jardin sillonné de sentiers sinueux et orné d’une profusion de temples, de bancs, de grottes, de colonnes, de ruines et que sais-je encore ? J’espère que les Français qui n’ont point vu notre pays ne prendront point ceci comme échantillon du goût anglais, qui en diffère autant que le style régulier du siècle passé. L’autre, dont l’eau forme le principal ornement, a une gaieté, une vie, qui contrastent bien avec les collines sombres et tristes qui l’encadrent, et que revêt une solitude propre au pays environnant. On a fait beaucoup ici, et peu s’en faut que l’on ait atteint la perfection que le pays comporte.

Gagné Ermenonville à travers une autre partie de la forêt du prince de Condé, qui confine aux jardins du marquis de Girardin. Cet endroit est devenu fameux depuis la résidence et la mort du malheureux et immortel Rousseau, dont chacun ici connaît la tombe, et l’on s’y rend de toutes parts. Il a été décrit, et on en a gravé les principales vues ; en faire une nouvelle description ne causerait que de l’ennui. Je me contenterai d’une ou