Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/217

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j’eusse pu mettre autant de foi que les bonnes gens de campagne dans deux morceaux de bois attachés ensemble, je me serais signé ; mais mon aveugle ami, avec une sûreté de pied incroyable, m’amena sain et sauf à travers de tels endroits ; sans mon habitude journalière du cheval, j’aurais tremblé d’abord, quand même ma monture aurait eu d’aussi bons yeux que ceux d’Eclipse ; car je suppose qu’un beau coureur, sur la vélocité duquel tant d’imbéciles étaient prêts à aventurer leur argent, devait avoir des yeux aussi bons que ses jambes. Un tel chemin desservant plusieurs villages et le château de l’un des premiers seigneurs du pays montre quel doit être l’état de la société ; pas de communications, de voisinage ; aucune des occasions de dépenses naissant de la compagnie, une vraie retraite pour épargner ce qu’on dépensera dans les villes. Le comte me reçut avec beaucoup de politesse ; je lui exposai mes motifs et mon plan de voyage, qu’il voulut bien louer avec chaleur, exprimant sa surprise que j’aie entrepris une aussi grosse affaire que l’examen de la France sans être encouragé par mon gouvernement. Je lui expliquai qu’il connaissait très peu ce gouvernement, s’il supposait qu’il donnerait un shelling pour une entreprise agricole ou pour son auteur ; qu’il importait peu que le ministre fût whig ou tory, que le parti de la charrue n’en comptait pas un dans ses rangs ; qu’enfin l’Angleterre, qui comptait plusieurs Colberts, n’avait pas un Sully. Ceci nous mena à une conversation intéressante sur la balance de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, et les moyens de les encourager. En réponse à ses questions, je lui fis comprendre quels sont leurs rapports en Angleterre et comment notre culture florissait à la barbe des ministres, par la seule protection