Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/245

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touchent le plus intimement son pouvoir. Chez les autres, ce sentiment du danger est commun, et ils s’uniraient s’il se trouvait un homme de talent qui le leur rendît facile, afin de se passer tout à fait des états. — Les communes elles-mêmes considèrent cette union hostile comme plus que probable. On peut en avoir la preuve dans cette idée, qui va gagnant chaque jour du terrain, que si les deux autres ordres continuaient à confondre leurs intérêts dans une chambre, ce serait une nécessité pour le tiers de se poser hardiment comme la représentation du royaume tout entier, puis d’appeler la noblesse et le clergé à venir prendre place dans son sein, et s’ils s’y refusaient, d’expédier sans eux les affaires. Toutes les conversations d’aujourd’hui roulent sur ce sujet, mais les opinions sont plus divisées que je ne m’y serais attendu. Il y en a qui haïssent le clergé si cordialement, que, plutôt que de le voir former une chambre à part, ils hasarderaient un système nouveau, si dangereux qu’il fût.

Le 9. — Les boutiques où se débitent les brochures font des affaires incroyables. Je suis allé au Palais-Royal pour voir les nouvelles publications et m’en procurer un catalogue complet. Chaque heure en produit une. Il en a paru treize aujourd’hui, seize hier, et quatre-vingt-douze la semaine dernière. Nous nous imaginons quelquefois que les magasins de Debrett ou de Stockdale à Londres sont encombrés, mais ce sont des déserts à côté de celui de Dessin et quelques autres ici, où l’on a peine à se faufiler de la porte jusqu’au comptoir. Il en coûtait, il y a deux ans, de 27 à 30 liv. par feuille pour l’impression ; c’est maintenant de 60 à 80 liv. Le besoin de lire des brochures politiques s’est tellement étendu, dit-on, dans la province, que