Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/260

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contre la liberté, mais ils croient l’excitation de l’esprit populaire trop grande maintenant pour pouvoir être domptée désormais. En voyant que le débat actuel ne pouvait arriver aujourd’hui à une conclusion, que toutes les probabilités sont contraires à ce qu’il se termine même demain, à cause du grand nombre d’orateurs qui veulent y prendre part, je suis retourné le soir à Paris.

Le 16. — Dugny. 10 milles de Paris. J’y suis allé en compagnie de M. de Broussonnet, pour voir M. Creté de Palieul, le seul cultivateur pratique de la Société d’agriculture, M. de Broussonnet, dont personne ne peut surpasser le zèle pour l’honneur et les progrès de l’agriculture, désirait que je voie les cultures et les améliorations d’un homme si haut placé parmi les agriculteurs de France. Nous sommes allés d’abord chez le frère de M. Creté, qui tient à présent la poste. Il a 140 chevaux. On visita sa ferme, et il nous montra des avoines et des froments très beaux en somme, quelques-uns même d’une qualité supérieure ; mais je dois avouer que ma satisfaction eût été plus grande si ses écuries n’avaient pas été remplies dans une vue toute différente de la ferme. Il est inutile de chercher un système de rotation en France. M. Creté sème deux, trois et jusqu’à quatre fois du blé blanc dans la même pièce. À dîner, je causai beaucoup avec les deux frères et quelques cultivateurs du voisinage sur ce sujet, et je leur recommandai soit les turneps, soit les choux, suivant le sol, pour rompre leur succession de froments. Chacun d’eux, excepté M. de Broussonnet, se prononça contre moi. « Pouvons-nous faire du blé après les navets et les choux ? » Certes, et avec succès, si vous essayez sur une petite étendue ; mais cela est rendu impraticable