Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/265

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un message du roi aux présidents des trois ordres, les prévenant qu’il les réunirait lundi, et des gardes françaises, avec la baïonnette au bout du fusil, placées à chaque porte de la salle des états pour empêcher qui que ce soit d’entrer, sous prétexte des préparatifs pour la séance royale. La manière dont s’est exécuté cet acte de violence mal inspiré a été aussi mal inspirée que l’acte lui-même. M. Bailly n’avait reçu d’autre avertissement qu’une lettre du marquis de Brézé, et les députés se réunirent à la porte de la salle sans savoir qu’elle fût fermée. On ajouta ainsi, de gaieté de cœur, des formes provoquantes à une mesure suffisamment odieuse et inconstitutionnelle par elle-même. On prit sur les lieux une noble et ferme résolution : ce fut de se transporter immédiatement au Jeu de Paume, et là l’assemblée tout entière s’engagea, par serment, de ne se séparer que de son propre mouvement, et de se considérer et d’agir comme Assemblée nationale partout où la violence et les hasards de la fortune pourraient la chasser ; les prévisions étaient si menaçantes, que des exprès furent envoyés à Nantes annonçant la nécessité où se verrait peut-être l’assemblée de chercher un refuge dans quelque ville éloignée. Ce message et la fermeture de la salle des états sont le résultat de conciliabules très longs et très fréquents tenus en présence du roi, à Marly, où il a été plusieurs jours sans voir personne, et où l’on n’admettait, même les officiers de la cour, qu’avec un soin et une circonspection extrêmes. Les frères du roi n’ont pas place au conseil ; mais le comte d’Artois suit sans cesse les délibérations et en fait part à la reine dans de longues conférences qu’ils ont ensemble. À la réception de ces nouvelles à Paris, le Palais-Royal fut en feu : les cafés, les magasins de brochures, les galeries et les jardins étaient remplis