Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/271

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comme une courte négociation peut aisément amener cela ; je crains que les députés ne se rendent conditionnellement. L’emploi de la force armée, quelques imprudentes tentatives du parti royal, pour agir sur la constitution intérieure, et la réunion des états, jointe à la mauvaise humeur qu’ils avaient eu le temps de couver depuis trois jours, empêchèrent les communes d’accueillir le roi avec des acclamations. Le clergé et quelques nobles crièrent « Vive le roi ! » mais les trois quarts de l’assemblée firent contraste par leur silence. Il paraît qu’on était résolu d’avance à ne souffrir aucune violence, car lorsque le roi fut parti, le clergé et la noblesse s’étant retirés, le marquis de Brézé attendit qu’obéissant aux ordres de la couronne, le tiers se rendît aussi dans la salle préparée pour lui ; puis s’apercevant que personne ne bougeait, — Messieurs, dit-il, vous connaissez les intentions du roi. Un silence de mort s’ensuivit, et alors les talents supérieurs s’emparèrent de cet empire, devant lequel disparaissent toutes les autres considérations. Les yeux de l’assemblée entière furent tournés sur le comte de Mirabeau, qui, à l’instant, répondit au marquis de Brézé : « Oui, monsieur, nous avons entendu les intentions qu’on a suggérées au roi, et vous qui ne sauriez être son organe auprès des états généraux ; vous qui n’avez ni place, ni voix, ni droit de parler, vous n’êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant pour éviter toute équivoque et tout délai, je vous déclare que si l’on vous a chargé de nous faire sortir d’ici, vous devez demander des ordres pour employer la force, car nous ne quitterons nos places que par la puissance de la baïonnette. » Sur quoi, ce fut un cri unanime de « Tel est le vœu de l’assemblée. » On confirma sur-le-champ les arrêtés pris antérieurement, et sur la motion du comte