Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/303

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ne penserait à remuer. Ceci confirme ce que j’ai souvent noté, que le déficit n’eût pas produit de révolution sans le haut prix du pain. Cela ne montre-t-il pas l’importance infinie des grandes villes pour la liberté du genre humain ? Sans Paris, je doute que la révolution actuelle, qui se propage rapidement en France, eût jamais commencé. Ce n’est pas dans les villages de la Syrie ou du Diarbékir que le Grand Seigneur entend murmurer contre ses décrets, c’est à Constantinople qu’il se voit obligé à des ménagements et à de la prudence même dans le despotisme.

M. Willemet, professeur de botanique, me montra le jardin dont la condition trahit le manque d’argent. Il me présenta à M. Durival, qui a écrit sur la vigne, il me donna un des traités de ce monsieur, avec deux brochures composées par lui-même, sur des sujets de botanique. Il me conduisit aussi chez M. l’abbé Grand-père, amateur d’horticulture ; celui-ci, aussitôt qu’il sut que j’étais Anglais, se mit en tête le caprice de me présenter à une dame de mes compatriotes, à laquelle il louait la plus grande partie de sa maison. Je me révoltai en vain contre l’inconvenance de cette démarche ; l’abbé n’avait jamais voyagé, il croyait, que, s’il se trouvait aussi éloigné que moi de son pays (les Français ne sont pas forts en géographie), il se sentirait heureux de rencontrer un Français, de même cette dame devait éprouver les mêmes sentiments en voyant un Anglais dont elle n’avait jamais entendu parler. Il nous entraîna et n’eut de cesse qu’après être entré dans l’appartement, C’est à la douairière lady Douglas que je fus ainsi présenté, elle se montra assez bonne pour pardonner cette indiscrétion. Il n’y avait que peu de jours qu’elle était là, avec deux belles jeunes personnes, ses filles ; elle avait un superbe chien de Kamtchatka. Les