Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/307

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les sentiments qu’il éprouve. Quelques couplets de lui placés sous le portrait de ses amis sont coulants et bien tournés. J’aurais eu grand plaisir à rester quelques jours à Lunéville ; deux maisons m’y offraient une hospitalité cordiale et charmante ; mais le voyageur a ses misères : tantôt des contrariétés qui surviennent au moment du plaisir, tantôt un plan arrêté qui ne lui permet pas de se détourner de son sujet.

Le 18. — Héming. Pays sans intérêt. — 28 milles.

Le 19. — Saverne (Alsace). Le pays continue le même jusqu’à Phalsbourg, petite ville fortifiée sur les frontières. Les Alsaciennes portent toutes des chapeaux de paille aussi grands qu’en Angleterre ; ils abritent la figure et devraient abriter quelques jolies filles, mais je n’en ai pas encore vu une. Il y a, en sortant de Phalsbourg, des huttes misérables qui ont cependant et cheminées et fenêtres ; mais les habitants paraissent des plus pauvres. Depuis cette ville jusqu’à Saverne ce n’est qu’une montagne avec des futaies de chênes ; la descente est rapide, la route en zigzags. À Saverne je pus me croire vraiment en Allemagne : depuis deux jours le changement se faisait bien sentir ; mais ici, il n’y a pas une personne sur cent qui sache un mot de français. Les appartements sont chauffés par des poêles ; le fourneau de cuisine a trois ou quatre pieds de haut, plusieurs détails semblables montrent qu’on est chez un autre peuple. L’examen d’une carte de France et la lecture des historiens de Louis XIV ne m’avaient pas fait comprendre la conquête de l’Alsace comme le fit ce voyage. Franchir une haute chaîne de montagnes, entrer dans une plaine, qu’habite un peuple séparé des Français par ses idées, son langage, ses