Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/328

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de l’histoire et tirait ses conclusions politiques de façon très rigoureuse. J’ai rencontré peu d’hommes comme lui à table d’hôte. — On peut croire que je n’oubliai pas le rendez-vous de M. de Morveau. Il m’avait tenu parole ; madame Picardet est à sa place au salon comme dans le cabinet d’étude ; femme d’une simplicité charmante, elle a traduit Scheele de l’allemand et une partie des ouvrages de M. Kirwan de l’anglais ; c’est un trésor pour M. de Morveau, car elle peut soutenir sa conversation sur des sujets de chimie aussi bien que sur d’autres, soit agréables, soit instructifs. Je les accompagnai à leur promenade du soir. Madame Picardet me dit que son frère, M. de Poule, était un grand fermier, qu’il avait semé beaucoup de sainfoin, dont il se servait pour l’engraissement des bœufs ; elle m’exprima ses regrets de ce qu’il fût trop occupé des affaires de la municipalité pour pouvoir m’accompagner à sa ferme.

1er août. — Dîné avec M. de Morveau, M. le professeur Chaussée et M. Picardet. Ç’a été un beau jour pour moi. La grande et juste réputation qu’a M. de Morveau d’être non seulement le premier chimiste de France, mais aussi l’un des plus célèbres dont l’Europe se fait honneur, suffisait à me faire désirer sa compagnie ; mais je goûtais encore le charme de trouver en lui un homme sans affectation, libre de ces airs de supériorité trop communs chez les personnes de renom, et de cette réserve qui voile aussi bien leurs talents que les faiblesses qu’ils veulent cacher. M. de Morveau est un homme affable, enjoué, éloquent, qui, dans tous les rangs de la société, se serait fait rechercher pour l’agrément de son commerce. Dans ce moment même, avec la révolution en marche, sa conversation roulait presque entièrement sur la chimie. Je le pressai,