Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/347

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que j’étais un commissaire, venu pour évaluer les ravages faits par la grêle ; l’autre, que la reine m’avait chargé de faire miner la ville pour la faire sauter, puis d’envoyer aux galères tous les habitants qui en réchapperaient. Le soin que l’on a pris de noircir la réputation de cette princesse aux yeux du peuple est quelque chose d’incroyable, et il n’y a si grossières absurdités, ni impossibilités si flagrantes qui ne soient reçues partout sans hésitation. — Le soir, théâtre. On donnait l’Optimiste : bonne troupe. Avant de quitter Clermont, je noterai qu’il m’est arrivé de dîner ou souper cinq fois à table d’hôte en compagnie de vingt à trente personnes, marchands, négociants, officiers, etc., etc. Je ne saurais rendre l’insignifiance, le vide de la conversation. À peine un mot de politique, lorsqu’on ne devrait penser à autre chose. L’ignorance ou l’apathie de ces gens doit être inimaginable ; il ne se passe pas de semaine dans ce pays qui n’abonde d’événements qui seraient discutés et analysés en Angleterre par les charpentiers et les forgerons. L’abolition des dîmes, la destruction des gabelles, le gibier devenu une propriété, les droits féodaux anéantis, autant de choses françaises, qui, traduites en anglais six jours après leur accomplissement, deviennent, ainsi que leurs conséquences, leurs modifications, leurs combinaisons, le sujet de dissertations pour les épiciers, les marchands de chandelles, les marchands d’étoffes et les cordonniers de toutes nos villes ; cependant les Français eux-mêmes ne les jugent pas dignes de leur conversation, si ce n’est en petit comité. Pourquoi ? parce que le bavardage privé n’exige pas de connaissances. Il en faut pour parler en public, et c’est pourquoi ils se taisent : je le suppose au moins, car la vraie solution est hérissée de mille difficultés. Cependant, combien de gens et de sujets dans lesquels la