Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/365

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arc de triomphe, dont les beaux ornements n’ont pas tout à fait disparu, et, dans une maison pauvre, un beau pavé très bien conservé, mais inférieur à celui de Nîmes. Le vent de bise a soufflé très fort ces derniers jours, sous un ciel clair, tempérant les chaleurs, qui sans lui seraient accablantes. Je ne sais si la santé des Français s’en accommode, mais il a sur la mienne un effet diabolique, je me sentais comme prêt à tomber malade, le corps dans un malaise nouveau pour moi. Ne pensant pas au vent, je ne savais à quoi l’attribuer, mais la coïncidence des deux choses me fit voir leur rapport comme probable ; l’instinct, en outre, beaucoup plus que la raison, me fait m’en garder autant que possible. Vers quatre ou cinq heures, le matin, il est si âpre qu’aucun voyageur ne se met en chemin. Il est plus pénétrant que je ne l’aurais imaginé ; les autres vents arrêtent la transpiration, celui-ci semble vous dessécher jusqu’à la moelle des os. — 20 milles.

Le 27. — Avignon. Soit pour avoir vu ce nom si souvent répété dans l’histoire du moyen âge, soit les souvenirs du séjour des papes, soit plus encore la mention qu’en fait Pétrarque dans ses poèmes, qui dureront autant que l’élégance italienne et les sentiments du cœur humain, je ne saurais le dire, mais j’approchais de cette ville avec un intérêt, une attente, que peu d’autres ont excité en moi. La tombe de Laure est dans l’église des Cordeliers ; ce n’est qu’une dalle portant une image à moitié effacée, et une inscription en caractères gothiques ; une seconde fixée dans le mur montre les armes de la famille de Sade. Incroyable puissance du talent quand il s’emploie à décrire des passions communes à tous les cœurs ! Que de millions de jeunes filles, belles comme Laure aussi