Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la rivière se divise en tant de branches et conduites avec tant de soins, qu’il en résulte un effet délicieux, surtout pour celui dont l’œil sait reconnaître les bienfaits de l’irrigation.

Fontaine de Vaucluse, presque aussi célèbre, que celle d’Hélicon et à juste titre. On traverse une vallée que n’égale pas le tableau qu’on se fait de Tempé ; la montagne qui se dresse perpendiculairement présente à ses pieds une belle et immense caverne à moitié remplie par une eau dormante, mais limpide ; c’est la fameuse fontaine ; dans d’autres saisons elle remplit toute la caverne et bouillonne comme un torrent à travers les rochers ; son lit est marqué par la végétation. À présent l’eau ressort, à 200 yards plus bas, de masses de rochers, et, à très peu de distance, forme une rivière considérable détournée immédiatement par les moulins et les irrigations. Sur le haut d’un roc, auprès du village, mais au-dessous de la montagne, il y a une ruine appelée par le peuple le château de Pétrarque, qui, nous dit-on, était habité par M. Pétrarque et madame Laure.

Ce tableau est sublime ; mais ce qui le rend vraiment intéressant pour notre cœur, c’est la célébrité qu’il doit au génie. La puissance qu’ont les rochers, les eaux et les montagnes de captiver notre attention et de bannir de notre sein les insipides préoccupations de la vie ordinaire, ne tient pas à la nature inanimée elle-même. Pour donner de l’énergie à de telles sensations, il faut la vie prêtée par la main créatrice d’une forte imagination : décrite par le poète ou illustrée par le séjour, les actions, les recherches ou les passions des grands génies, la nature vit personnifiée par le talent, et attire l’intérêt qu’inspirent les lieux que la renommée a consacrés.