Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/375

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le croyais plus populaire, d’après les extravagances que l’on a faites pour lui en Provence et à Marseille. On le regarde simplement comme un fort habile politique, dont les principes sont ceux du jour ; quant à son caractère privé, on ne s’en mêle pas, en disant que mieux vaut se servir d’un fripon de talent que d’un honnête homme qui en est dépourvu. Il ne faut pas entendre par là, cela se conçoit, que M. de Mirabeau mérite une semblable épithète. On le dit possesseur d’un domaine en Provence. Ce renseignement, je l’observai sur le moment, me causa un certain plaisir ; une propriété, dans des temps comme ceux-ci, est la garantie qu’un homme ne jettera pas partout la confusion pour se donner une importance qui lui serait refusée à une époque tranquille. Rester à Marseille sans connaître l’abbé Raynal, l’un des précurseurs, incontestablement, de cette révolution, eût été par trop mortifiant. N’ayant pas le temps d’attendre de nouvelles lettres, je résolus de me présenter moi-même. L’abbé était chez son ami M. Bernard. Je lui expliquai ma situation, et avec cette aisance et cette courtoisie qui annoncent l’usage du monde, il me répondit qu’il se sentirait toujours heureux d’obliger un homme de mon pays, puis, me montrant son ami : « Voici, Monsieur, me dit-il, une personne qui aime les Anglais et comprend leur langue. » En nous entretenant sur l’agriculture, que je leur dis être l’objet de mon voyage, ils me marquèrent tous les deux une grande surprise qu’il résultât de données vraisemblablement authentiques, que nous importions de grandes quantités de froment au lieu d’en exporter comme nous le faisions autrefois. Ils voulurent savoir, si le fait était exact, à quoi on devait l’attribuer, et l’un d’eux, en recourant au Mercure de France pour un état comparatif