Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le 6, le 7 et le 8. — Le duc de Liancourt ayant l’intention de prendre une ferme pour la cultiver selon les principes anglais, il me pria de l’accompagner, ainsi que mon ami Lazowski, à Liancourt, pour lui donner mon opinion sur les terres et les moyens d’accomplir ses projets, ce à quoi je me rendis sur-le-champ. Je fus témoin d’une scène qui me fit sourire : à peu de distance du château de Liancourt, il y a un vaste terrain inculte, tout à côté de la route, et qui appartient au duc. Je vis quelques ouvriers très occupés à le couper en petites divisions par des hayes, à le niveler, à le défoncer, enfin perdant un travail précieux sur un terrain qui n’en valait pas la peine. Je demandai à l’intendant s’il croyait cette dépense utile : il me répondit que les pauvres de la ville, au début de la révolution, déclarèrent que, faisant partie de la nation, la terrains incultes, propriétés de la nation, leur appartenaient ; en conséquence, passant de la théorie à la pratique, ils en prirent possession sans autre formalités et commencèrent à cultiver ; le duc, ne voyant pas leur industrie avec déplaisir, n’y mit aucun obstacle. Ceci montre l’esprit général et prouve que, poussé un peu plus loin, ce ne serait pas peu de chose pour la propriété dans ce royaume. Dans ce cas, cependant, je ne puis que le louer ; car s’il y a une injustice criante, c’est qu’un homme garde inutilement de la terre qu’il ne veut ni cultiver ni laisser cultiver aux autres. Les pauvres gens meurent de faim devant des déserts qui les nourriraient par milliers. Ils sont sages, et suivent la raison et la philosophie en s’emparant de ces terrains, et je souhaite de tout cœur qu’une loi permette chez nous ce qu’ont fait ici les paysans français. — 72 milles.

Le 9. — Déjeuné aux Tuileries. M. Desmarets, de