Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/428

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la toilette ne coûte pas la moitié de celle des nôtres. On attribue de la légèreté et de l’inconstance aux Français, c’est une grossière exagération en ce qui concerne les modes. Elles changent en Angleterre pour la forme, la couleur, l’assemblage, avec dix fois plus de rapidité ; les vicissitudes de chaque partie de notre vêtement sont vraiment fantastiques. Je ne vois pas qu’il en soit de même ici : par exemple, la forme des perruques d’homme n’a pas varié, tandis qu’il y a eu cinq modes différentes en Angleterre. Rien ne contribue davantage à rendre les gens heureux qu’une facilité d’humeur qui les fasse se conformer aux diverses circonstances de la vie ; c’est ce que possèdent les Français, bien plus que l’esprit capricieux et léger qu’on leur a attribué. Il en découle pour eux cette heureuse conséquence, qu’ils sont bien plus exempts que nous de l’extravagance de mener une vie au delà de leurs moyens. Tous les pays offrent ces tristes exemples dans les rangs les plus élevés ; mais pour un petit noble de province, qui en France sort de sa sphère, vous en trouverez dix en Angleterre. L’idée que je m’étais formée de ce peuple par mes lectures s’est trouvée fausse sur trois points que je croyais prédominants. En comparant les Français avec les Anglais je m’attendais à un plus grand penchant à la causerie, à plus de caprices, à plus de politesse. Je pense, au contraire, qu’ils ne sont pas si causeurs que nous, n’ont pas tant d’entrain et pas un grain de politesse davantage. Je parle non pas d’une classe, mais de la grande masse. Je crois le caractère français incomparablement bien meilleur, et je me demande si on ne doit pas attendre ce résultat d’un gouvernement arbitraire, plutôt que d’habitudes de liberté.