Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/76

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plus d’aisance et de familiarité que d’apparat dans cette partie de la cérémonie ; Sa Majesté qui, par parenthèse, est la plus belle femme que j’aie vue aujourd’hui, reçut ces hommages de façons diverses. Elle souriait aux uns, parlait aux autres, certaines personnes semblaient avoir l’honneur d’être plus dans son intimité. Elle répondait froidement à ceux-ci, tenait ceux-là à distance. Elle se montra respectueuse et bienveillante pour le brave Suffren. Le dîner du roi en public a plus de singularité que de magnificence. La reine s’assit devant un couvert, mais ne mangea rien, elle causait avec le duc d’Orléans et le duc de Liancourt qui se tenait derrière sa chaise. C’eût été pour moi un très mauvais repas, et si j’étais souverain, je balayerais les trois quarts de ces formalités absurdes. Si les rois ne dînent pas comme leurs sujets, ils perdent beaucoup des plaisirs de la vie ; leur situation est assez faite pour leur en enlever la plus grande partie ; le reste, ils le perdent par les cérémonies vides de sens auxquelles ils se soumettent. La seule façon confortable et amusante de dîner serait d’avoir une table de dix à douze couverts, entourée de gens qui leur plairaient ; les voyageurs nous disent que telle était l’habitude du feu roi de Prusse.

Il connaissait trop bien le prix de la vie pour la sacrifier à de vaines formes ou à une réserve monastique.

Le palais de Versailles, dont les récits qu’on m’avait Ils avaient excité en moi la plus grande attente, n’est pas le moins du monde frappant. Je l’ai vu sans émotion ; l’impression qu’il m’a laissée est nulle. Qu’y a-t-il qui puisse compenser le manque d’unité ? De quelque point qu’on le voie, ce n’est qu’un assemblage de bâtiments, un beau quartier pour une ville, non pas un bel édifice, reproche qui s’étend à la façade donnant sur