Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/101

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ouvertes : de la cour, une bouffée de bruits joyeux venait de monter jusqu’à lui ; murmure de voix animées, cliquetis d’éperons et d’épées ; une cinquantaine de gentilshommes parlant haut, riant, s’interpellant, somptueusement vêtus, éblouissante escorte de quelque roi cent fois plus riche et plus puissant que lui ! Ils étaient tous jeunes, beaux insolents, ils tourbillonnaient autour de leur maître qui s’avançait, calme, froid, orgueilleux, saluant à peine, comme s’il eût été le potentat à qui tout était dû, à qui tout appartenait... C'était Concini !

Et à son arrivée, le Louvre semblait s’éveiller. Des valets s’empressaient, couraient prévenir la reine, les gardes de la grande porte présentaient les armes ; des portes, à l’intérieur, s’ouvraient précipitamment.

"Le vrai roi de France !" murmura Louis XIII pâlissant.

Puis il se retourna, et alors il se vit en présence d’un homme de haute stature, la moustache grise, les cheveux noirs et rudes, l’œil étincelant sous les touffes épaisses des sourcils. Cet homme considérait le roi avec une pitié attendrie, presque paternelle.

"Bonjour, maréchal", dit Louis XIII.

C'était le maréchal d'Ornano, chef du bataillon des Corses.

"Dieu garde Votre Majesté, dit-il en s'inclinant. Je crois que le roi vient de prononcer d'étranges paroles.

— Quelles paroles, maréchal ?

— Vous avez dit, sire, vous avez dit en parlant de ce valet d’antichambre, de ce freluquet musqué, pommadé, frisé, de ce saltimbanque d’alcôve. Dieu me pardonne vous avez dit, sire : « Voici le vrai roi de France ! »

— Maréchal !

— Un mot, sire ! Un mot de vous ! Et je saisis le Concini au milieu de sa bande de mignons, et je l’empale sur la flèche de la Sainte-Chapelle !"

Le jeune roi devint très pâle. Son regard erra un instant de Concini qui s’engouffrait alors avec toute son étincelante escorte vers les appartements de la reine, à Ornano, qui, tranquille comme la statue de la force, attendait. Une seconde, les lèvres de Louis XIII s’agitèrent comme s’il allait donner l’ordre d’arrêter Concini. Mais tout à coup, il ploya les épaules, détourna la tête, et murmura :

"Adieu, maréchal, je m’en vais chasser à Meudon avec mes faucons."

Le maréchal d’Ornano pivota sur les talons et s’en alla, faisant sonner ses éperons sur le parquet de la grande galerie. Louis XIII, déjà, descendait en courant un escalier dérobé tandis que là-bas, Concini montait en tourbillon tapageur par le large et monumental escalier trop étroit pour lui et sa bande. Les yeux du jeune roi étincelaient. Ses lèvres se serraient. Un pli vertical creusait son front. Au bas de l’escalier