Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/124

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— Huit jours ! murmura Concini, le front brûlant de fièvre, le cœur battant à se rompre. Huit jours. Huit siècles ! N’importe ! J’ai pu gagner la servante que la reine a mise près d’elle. Dès ce soir, ce sera commencé !"

Et Concini s’élança, emportant le précieux flacon, vers la cour où l’attendait son carrosse.

"Au Louvre !" commanda-t-il.

Le lourd carrosse s’ébranla, escorté de douze gentilshommes armés jusqu’aux dents. Vers ce moment où le crépuscule commence à descendre sur Paris, une litière s’arrêta non loin du Pont-au-Change. Il en descendit une femme vêtue de noir et le visage couvert d’un voile épais, qui s’avança et s’arrêta devant l’une des maisons du côté d’aval, située presque au milieu du pont. La maison était triste, avec un de ces visages sournois et lépreux que le temps a rongé. Ses deux petites fenêtres étaient closes de solides volets. Close sa porte en chêne bardé de fer. La femme heurta d’une certaine manière. Bientôt, elle entendit le bruit d’une chaîne qu’on laisse tomber, de verrous que l’on tire et de clefs qui grincent dans des serrures. La porte s’entrouvrit juste assez pour livrer passage, puis se referma hermétiquement. La femme, alors, leva le voile qui la couvrait, et le visage pâle de Léonora Galigaï apparut, avec les deux diamants noirs de ses yeux. Un petit homme était devant elle, un tout petit homme, presque un nain, grêle, fluet, les yeux perçants, la physionomie ricanante, une barbe longue, soyeuse, fluviale, descendant jusqu’à sa ceinture, ce gnome, ce farfadet d’Écosse, c’était un savant d’un tempérament exceptionnel, c’était un de ces sombres génies pour qui la créature vivante n’est que matière à expériences. C’était un toxicologue, un manieur de poison, un créateur de mort, comme d’autres sont créateurs de vie. Il s’appelait Lorenzo. Il venait de Florence, éblouissante patrie des arts prestigieux, terrible patrie des grands génies du mal. Il vendait des herbes. C’est-à-dire qu’il vendait de la vie et de la mort, de l’amour et de la haine ; la science aphrodisiaque n’avait pas de secrets pour lui ; tous les secrets de Paris venaient aboutir à cette humble boutique encombrée d’herbes desséchées et au-dessus de laquelle se trouvait le laboratoire où n’entra jamais une créature vivante.

Léonora Galigaï et Lorenzo se regardèrent un instant. La maréchale d’Ancre, pâle et grave, le nain, tout rose et souriant.

"Il est venu, fit tout à coup Lorenzo en se frottant les mains ; aujourd’hui même, il est venu. Hé ! Fié ! carissima signora, il paraît que votre noble époux veut en finir !"

Léonora frissonna. Les ongles de ses doigts s’incrustèrent dans se paumes ; elle souffrit affreusement pendant quelques secondes ; mais, surmontant sa faiblesse :

"Ainsi, Rinaldo