Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/142

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La tenture s’agita encore, puis redevint immobile.

"En ce cas, monseigneur, vous pouvez compter sur moi.

— Elle boira ? palpita Concini.

— Je m’en charge.

— Et moi, je me charge alors de ta fortune, entends-tu !" murmura Concini enivré.

La femme fit une révérence. Et Concini, sur la pointe des pieds, regagna la porte par où il était entré, traversa l’antichambre, descendit rapidement, et se dirigea rayonnant, vers la salle où se tenait le jeu du roi. Dès qu’il fut sorti, la tenture se souleva et Marie de Médicis apparut, pâle, agitée, dans l’encadrement du velours. La servante courut à elle, se courba presque jusqu’à l’agenouillement, puis se relevant, lui tendit le flacon.

"Madame, commença-t-elle, il veut que...

— C’est bien, j’ai entendu, interrompit la reine. Regagne ton poste."

La reine avait saisi le flacon, et, tandis que la servante disparaissait, elle-même s’effaça de l’autre côté de la tenture. C’était une vaste salle, une sorte d’atelier encombré de sièges, où s’entassaient des coussins de soie, avec des tables où s’éparpillaient des plans et des épreuves de gravures, et enfin, dans un coin une presse où luisait la plaque de cuivre rouge à laquelle Marie de Médicis travaillait alors.

La reine, lentement, traversa la pièce immense qui était son lieu de travail et de repos. Près de la presse, elle s’arrêta, contempla un instant le flacon qu’elle tenait à la main, et murmura :

"Élixir d’amour !"

Un tressaillement l’agita jusqu’au fond de l’être : ses beaux yeux noirs lancèrent des éclairs. Brusquement, elle posa le flacon sur l’encadrement de fer de la presse, saisit un marteau et frappa d’un seul coup furieux. Le cristal se brisa. Le liquide se répandit…

Alors, Marie de Médicis porta la main à ses yeux : elle pleurait !

"Quarante ans ! j’ai quarante ans... voilà le mal ! murmura-t-elle ! Oh ! je me défendrai ! Je ne veux pas vieillir. Je ne veux pas être abandonnée. Concino est mien. Il restera mien... Et puisque j’ai donné ma vie à cet homme, il faut que sa vie soit à moi ! Je veux... oh ! ne suis-je donc pas la reine ! Je veux... Giuseppa !"

La jeune femme que nous avons entrevue tout à l’heure, apparut, et s’avança.

"Giuseppa, dit Marie de Médicis, en contenant les frémissements de sa voix, cette damoiselle...

— Giselle d’Angoulême, Majesté !

— Oui. Eh bien, il faudra... écoute : il est impossible qu’elle continue à demeurer au Louvre. Le Louvre n’est pas une prison, après tout !