Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/170

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hardiment. Je vous jure, moi, que ce n’est pas vous qui succomberez !"

Le roi se leva, fit quelque pas en songeant, puis revint s’asseoir devant Capestang.

"Comment avez-vous su ? demanda-t-il. Comment avez-vous appris ?

— Un mot que j’ai entendu par hasard, sire. Qui a prononcé ce mot ? je l’ignore. En pleine nuit, il m’a été impossible de rien distinguer de ceux qui parlaient. Mais ce qu’ils disaient était terriblement précis. Il n’y avait pas de doute, pas d’espoir : c’était bien du roi qu’on parlait ! C’était bien le roi qui, cette nuit, devait être empoisonné. Alors, sire, je suis accouru... voilà tout.

— Voilà tout !" répéta Louis XIII en considérant le chevalier avec une naïve admiration.

Capestang, de son côté, regardait le roi avec cette chaude et rayonnante sympathie qui était à l’hommage des courtisans ce que les soleils de messidor sont à une veilleuse de sépulcre. Le roi et l’aventurier se sourirent.

Et, dans cette minute où leurs âmes vibraient à l’unisson, Louis XIII oublia ce qu’on lui avait enseigné de la majesté royale ; et Capestang comprit que ce qu’il entreprenait de sauver, ce qui lui inspirait une affection de grand frère, ce n’était pas le roi... c’était l’adolescent si pâle, si triste, si seul contre tant d’ennemis. Une seconde, ils furent égaux.

Le jeune roi était sous le charme de cette aventure, lui, qui rêvait d’épisodes chevaleresques, lui qui lisait avec passion les vieux récits épiques des trouvères. Il jeta un coup d’œil malicieux sur les fameux pinceaux dont bien longtemps on devait parler sous les lambris du Louvre. Et, se renversant dans son fauteuil, il se remit à rire aux éclats.

"Corbacque ! songea le chevalier. Il pense aux camions et oublie le poison. Allons, il est brave."

"Ces figures barbouillées, ces baudriers badigeonnés, et jusqu’à Vitry qui n’y comprenait rien ! Oh ! la belle entrée que vous avez dû faire dans mon Louvre ! Cette irruption à coups de pinceau ! Je donnerais cent pistoles pour avoir vu cela !

— Vrai, sire ? Bon, vous en verrez bien d’autres !"

Capestang appuya cette fanfaronnade par une attitude matamore. Ses yeux étincelèrent. Il fit le geste de porter la main à sa rapière.

"Sang-Dieu ! qu’ils y viennent ! Je les écrase comme ceci, je les pile comme ces débris de verre !"

Il écrasa du talon l’amphore qui avait contenu le poison et cria :

"Capestang à la rescousse !

— Oui, oui, haleta Louis, qui se leva à son tour, tout pâle. À la rescousse !"