Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/172

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— Sire, sire, je ne vous demande pas de secrets !

— Taisez-vous, monsieur ! Il faut que vous sachiez. Car, à partir de cette minute, chevalier, vous ne me quittez plus. Je vous nomme... voyons... que pourrais-je bien vous nommer ? À l’homme spécial que vous êtes, il faut un emploi spécial, et un titre spécial. Je veux que l’emploi vous fasse honneur, vous qui allez être mon commensal, le compagnon de mes travaux et de mes plaisirs. M. Concini n’est que maréchal. M. de Luçon n’est que ministre. Luynes n’est que maître de ma volerie. Je veux que votre titre, à vous, fasse pâlir tous ces titres… car vous serez plus que maréchal et ministre... vous serez l’ami du roi !

— Sire ! Sire ! ! Sire ! ! !"

Capestang baissa la tête, écrasé par cette fortune. Elle était inouïe, fabuleuse, impossible et pourtant réelle. Éperdu, la tête au ciel, Capestang balbutiait ; sa pensée titubait ; il était ivre de sa fortune comme il l’avait été de sa première bouteille de vieux vin volée dans les caves paternelles et bue d’un trait, en cachette. Voici qu’il était devant le roi ! Non en quémandeur, mais en sauveur ! Lui qu’on pouvait prendre pour un capitan de comédie parce qu’il ne savait museler ni son geste ni sa parole. Ce fut une vertigineuse minute d’enivrement. La Fortune ! La Fortune !... Ah ! oui, c’était la Fortune qui venait de le prendre par la main. Et Louis XIII continuait :

"Votre titre, je le chercherai, je le trouverai. Je le veux éclatant car l’emploi que je vous destine sera terrible. Dès cet instant, chevalier vous entrez dans la fournaise d’une lutte à mort. Vous allez être une poitrine désignée aux poignards, une cible vivante pour les pistolets et les arquebuses.

— Bataille, donc ! bataille ! rugit Capestang d’une voix qui fit trembler les vitraux.

— Oui ! la bataille ! Par les armes, par les ruses, par l’estocade et l’embuscade, sous le soleil et dans les ténèbres, chaque jour, chaque nuit, à toute heure. Oui, ce sera terrible, car je vous lance sur des ennemis qu’avec mes gentilshommes, mes maréchaux, mes suisses, mes Corses, j’ai peur d’attaquer, moi ! Et, pour commencer par le plus redoutable, écoutez, écoutez, acheva le roi avec une fiévreuse exaltation, écoutez, voici l’ordre !

— J’écoute ! gronda Capestang d’un si formidable accent que le roi électrisé frappa violemment ses mains l’une contre l’autre. Donnez l’ordre, sire !

— L’ordre, chevalier... mon chevalier ! Oh ! mais le voici, votre titre : CHEVALIER DU ROI ! Je restaure pour vous, pour vous seul, ce titre que Charlemagne et les rois féodaux donnaient aux plus fidèles, aux plus vaillants ! Défenseur de la personne du roi, rempart de la majesté royale, je vous nomme chevalier du roi !