Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/18

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rendez-vous pour la petite saignée qui vous soulagera.

— Très bien. Maintenant, dites-moi : moi, je me nomme Adhémar de Trémazenc, chevalier de Capestang. Et vous ?

— Monsieur, dit l'inconnu, je m'appelle Henri de Ruzé d'Effiat, marquis de Cinq-Mars."

Les deux jeunes gens, d’un seul geste, se découvrirent, laissant pendre très bas leurs chapeaux, et s’inclinèrent jusque sur l’encolure de leurs chevaux.

Puis, se redressant, chacun d’eux exécuta une demi-volte, et ils partirent : le marquis de Cinq-Mars sur la route qu’avait prise le carrosse, le chevalier sur un sentier qui tournait à gauche.

"Bon ! murmura celui qui portait ce nom excessif de Adhémar de Trémazenc de Capestang, me voici avec un duel sur les bras ! Ce n’est pas cela qui m’aidera à me retrouver !"

Et une sorte d’angoisse l’étreignit à la gorge.

Au bout d'une heure, il se trouva tout à fait égaré. Alors il s'arrêta au premier bouchon qu'il rencontra, et s’attabla sous une tonnelle, devant une jolie omelette et un cruchon de petit vin blanc.

Le soleil étant un peu tombé, il se remit en selle, et l’hôte, en venant lui verser le coup de l’étrier, lui indiqua son chemin : il n’avait qu’à suivre la route à travers bois pour arriver au village de Meudon, et de là à Paris.

Le chevalier de Capestang se remit donc en route, rêvant à son duel avec le marquis de Cinq-Mars, rêvant à Marion Delorme, rêvant surtout à l’amazone au costume bleu qui, la veille, à Longjumeau, avait produit sur lui une si profonde impression, enfin, rêvant aussi à cet illustre Concini, à ce maréchal d’Ancre, pour lequel il avait une lettre de recommandation.

Notre aventurier s’aperçut tout à coup que non seulement il se faisait tard, mais encore que sa monture, par caprice, avait pris un sentier qui s’écartait de plus en plus du grand chemin royal. Rassemblant alors ses rênes et faisant entendre un claquement de langue familier à son cheval, le jeune routier se dirigea droit vers le chemin de Paris.

Comme il allait l'atteindre, et qu'il n'en était plus séparé que par un taillis assez épais, il s'arrêta court : là, sur la route, à quelques pas de lui, il y avait un homme et une jeune fille qui, d’une voix basse, échangeaient des paroles violentes. Des paroles qu’il n’entendait pas... Mais à la vue de la jeune fille, Adhémar de Trémazenc chevalier de Capestang, éprouva comme un éblouissement ! Son cœur se mit à battre à grands coups sourds, et une sorte d’angoisse l’étreignit à la gorge.

"Elle ! Puissance du ciel ! C'est elle !"

L’homme et la jeune fille, tous deux à cheval, étaient arrêtés