Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/253

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— C’est vrai, monsieur. (Il a gagné !) Je l’avais oublié. Je m’appelle Lachance !

— Eh bien ! et moi aussi, Cogolin !

— Monsieur, j’ai toujours pensé que vous étiez né sous une heureuse étoile. Votre horoscope est formel sur ce point. Et, sans indiscrétion, combien avez-vous gagné ce soir ?

— Gagné ! Gagné quoi, imbécile ?

— Écus, pistoles, doublons, nobles ou ducats ?"

Capestang haussa les épaules et dédaigna de répondre.

Cogolin se mit à lui raconter ce qui venait de se passer au Grand-Henri pendant son absence.

"Bon ! fit le chevalier. Eh bien ! selle les chevaux, et nous allons chercher quelque hôtellerie digne de moi. Aussi bien, je souffrais de voir un Trémazenc de Capestang logé comme un faquin. Nous irons au Rameau-d’Or, qui est fréquenté par la haute noblesse et se trouve d’ailleurs tout près du Louvre, où j’aurai affaire sous peu, vu que le roi m’attend. T’ai-je dit que le roi ne peut plus se passer de moi ? Au surplus nous sommes riches, puisque nous avons cent quatre-vingts pistoles.

— Cent quatre-vingt-trois, monsieur ! rectifia Cogolin, maître Lureau m’a payé son terme : trois pistoles.

— Bah ! Je croyais au contraire que c’était nous qui devions de l’argent à cet aubergiste chauve, mais galant homme.

— Eh bien ! nous nous trompions ; c’est lui qui est notre débiteur ! Mais, si vous m’en croyez, nous passerons au moins cette nuit à notre ancien logis, qui est sûr et où vous êtes à l’abri de cette meute de princes, ducs, évêques et autres léopards à deux pattes qui jalousent votre fortune future et vous veulent le mal de mort. J’ai organisé dans le grenier, avec quelques bottes de paille et de foin, une chambre à coucher comme vous n’en trouverez pas de pareille, même au Rameau-d’Or, même au Louvre ! Oh ! oh ! qui donc nous suit, là ?

— Où cela, fit Capestang avec un geste capable de faire reculer une douzaine d’assaillants.

— Là ! fit Cogolin à voix basse. Cette ombre qui se glisse, la voici qui rampe ! Attention !"

Capestang bondit vers l’ombre signalée qu’il distingua une seconde, très nettement. Mais il ne trouva rien. Homme ou bête ou spectre, la chose entrevue s’était évanouie.

"Pourtant, il y avait quelqu’un ! murmura Cogolin.

— Bah ! fit Capestang en reprenant son chemin, quelque pauvre diable qui a faim, ou quelque gentilhomme qui, ayant perdu au jeu, cherche fortune dans la rue ! Il eût mieux fait de m’attendre ; je lui eusse donné d’abord une leçon d’armes, puis deux ou trois pistoles."

Cogolin fit entendre un grognement de protestation et se tâta pour s’assurer que la bourse aux pistoles était bien en place : on se rappelle que c’est Cogolin qui tenait la bourse.