Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/27

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arrondis par l’admiration, émerveillé, les narines dilatées. Simplement, il répéta :

"Oh ! oh ! Qu'est cela ?"

Cela ? C’était une table toute servie pour quatre convives, dont les quatre sièges étaient disposés autour d’un pâté encore revêtu de sa croûte dorée, d’un beau chapon flanqué de bécassines, d’autres succulentes victuailles et de nombreux flacons de panse et de fumet vénérables.

"Sûrement, dit Capestang, on attendait ici un prince. Toute la question est de savoir si je puis décemment à mes propres yeux passer pour le prince attendu. Et pourquoi pas, puisque j’en porte le costume ? Et je puis ajouter que j’ai en ce moment l’estomac d’un roi, si toutefois les rois ont royalement faim. Ce siège n’était peut-être pas pour moi. Mais puisqu’il est inoccupé… et encore, je ne prends qu’une place sur quatre. Ainsi ferai-je de ce pâté."

Tout en parlant, il s’était assis et se carrait dans l’un de ces beaux fauteuils. Déjà, il enfonçait le couteau dans le pâté, qu’il partagea scrupuleusement en quatre parties égales. Puis il attaqua le poulet, dont il eut soin de ne prendre qu’un quart : il y avait huit flacons sur la table, il en but deux seulement. Vers deux heures du matin, Capestang ayant achevé ce repas qui, s’il ne tombait pas du ciel, n’en venait pas moins au meilleur moment, Capestang, donc, commençait à voir la vie en rose, et à trouver que le métier de prince dans les châteaux enchantés était un charmant métier. Il se leva donc en fredonnant une chanson de pays, et s’approcha d’une superbe cheminée contre laquelle était déposée, debout, une belle et solide rapière. Capestang, le bon vin aidant, vivait dans le rêve : il sourit et ceignit la rapière.

"Elle est là pour moi, c'est sûr !" pensa-t-il très sincèrement.

Il n’en était plus à s’étonner pour une simple rapière, après avoir trouvé costume complet et succulent dîner. Mais aussitôt, et pour la troisième fois, il murmura en modulant un sifflement d’admiration et, écarquillant les yeux :

"Oh ! oh ! oh ! qu'est cela ?"

Cela, c'était une bourse au ventre arrondi, dont il versa le contenu sur la cheminée ; elle contenait deux cents pistoles. Près de la bourse , il y avait une feuille de parchemin et un écritoire. Capestang devint grave. Une minute il demeura plongé dans une sorte de stupéfaction. Puis, avec le geste de se décharger de pensées gênantes, il se mit à compter quarante pistoles et les engouffra dans sa poche. Saisissant alors une plume, debout devant la haute glace de la cheminée, le marbre lui servant de support, il traça ces mots sur le parchemin :

"Moi, Adhémar de Trémazenc, chevalier de Capestang, j'offre mes remerciements à la dame de ce château, et déclare