Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/319

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devinait, presque avec une religieuse horreur, qu’il lui était impossible de ne pas chercher à sauver Giselle et Capestang. Pourquoi ? Oui, pourquoi l’homme de la haine, dans le moment même où il abandonnait ces deux êtres à leur destinée, se disait-il : « Le seul moyen de les sauver maintenant, c’est de bien persuader Léonora que les astres lui défendent de les tuer. Dès demain je chercherai le moyen de les arracher à cette femme » ?

Pourquoi cet homme qui haïssait l’univers éprouvait-il une douloureuse angoisse à la pensée que Giselle et Capestang pouvaient succomber ? Était-ce une idée de réparation ? Était-ce le remords de ce qui s’était passé à Orléans ?... Lorenzo ayant sauvé malgré lui Giselle et Capestang voulait maintenant les sauver volontairement. Le fond de sa pensée, depuis qu’il avait communiqué à Léonora l’horoscope vrai ou faux, tenait dans ces mots :

"Si je les laisse mourir, je perds ma rédemption. J’ai le droit de haïr le reste de l’univers si je sauve ces deux-là !"

À la question de Léonora Galigaï, Lorenzo répondit donc :

"Aucune main ne peut causer directement la mort de Giselle et de Capestang.

— Ainsi donc, on ne peut, sans s’exposer à une catastrophe, les frapper par le fer ?

— Non, madame. Ni les faire périr par l’eau ou par le feu.

— Ni les empoisonner ?

— Non, madame... Ni les faire mourir par la faim et la soif.

— Et si quelqu’un peut ordonner leur mort, il ne peut employer aucun des genres de mort qui exigent le geste de la main humaine ?

— Je l’ai dit, madame. Et c’est la vérité.

— Et, dans tous les cas, la personne qui ordonnera la mort ne peut être qu’un roi ?

— Sûrement, madame ! dit Lorenzo, persuadé que Louis XIII ne donnerait jamais un pareil ordre.

— Un roi, reprit lentement Léonora comme en rêve. Il faut que la pensée de mort parte d’une tête couronnée."

Lorenzo, plongé dans sa méditation, répondit distraitement :

"Oui, madame, d’une tête couronnée. Du moins, je ne pense pas que même un de ces sages de la Chaldée qui ont émis les principes de la divine science eût pu tirer un autre pronostic des conjonctions que j’ai étudiées."

Les yeux noirs de Léonora jetèrent une lueur funèbre. Son visage livide se colora légèrement. Elle comprima son sein de ses deux mains et se leva comme pour empêcher l’astrologue d’ajouter un mot de plus. Seulement elle déposa sur la table une bourse pleine d’or et dit en souriant :